À la recherche de l'Eldor'ado
Pour beaucoup d'entreprises, l'adolescence constitue un formidable
marché à conquérir. Pourvu que l'on en possède
la clé
Etre adolescent aujourd'hui n'est ni une maladie, ni un âge
bête, mais bien une grande aventure. À une époque
où l'adolescence dure longtemps, le jeune ne cherche pas
à être adulte, mais plutôt à obtenir
la reconnaissance de la société, à être
responsable. De plus, il a comme caractéristique de surfer
sur la dimension internationale. Tel est le message qu'est venu
livrer le chercheur et publicitaire Joël-Yves Le Bigot,
le jeudi 27 février au pavillon Palasis-Prince. Sa conférence
avait pour thème "De la sociologie au management
junior: une stratégie jeune pour réussir comme
Nike, Coca-Cola, McDonald, Nintendo, Sony ou L'Oréal".
"Oubliez toute référence classique, dit-il.
L'adolescent d'aujourd'hui est de la génération
W (what, why, when, where). Partout,
ils sont en démarche d'interroger la vie. Leur culture
à eux est ouverte et centrifuge. Le village mondial existe
pour eux. Aujourd'hui, l'ado est plus l'enfant de son époque,
que de ses parents ou de son système national de valeurs.
Selon ce spécialiste du jeune consommateur, toute entreprise
qui veut atteindre l'"Eldorado junior" se doit d'abord
de bien connaître le profil de l'adolescent d'aujourd'hui.
Ensuite, elle doit suivre les dix règles de la "communication
junior". Celles-ci consistent notamment à transformer
les passions des ados (musique, sport, technologies, etc.) en
leviers d'action, à tirer parti de leurs comportements
de consommation et d'achat, et à consacrer jusqu'à
la moitié du budget promotionnel à des campagnes
publicitaires émotionnelles.
Dans un monde en mutation
Joël-Yves Le Bigot est de ceux qui voient positivement
les adolescents. Il les compare à des pionniers dont l'action
change les habitudes dans les familles. "Arrêtons,
dit-il, de ghettoïser la jeunesse, de travailler uniquement
sur ses excès, et présentons-la comme une source
d'innovation importante." Il ajoute que ce qui se passe
en 2003 n'a plus grand-chose à voir avec ce qui se passait
il y a une dizaine d'années. "On le voit bien avec
les nouveaux rapports à l'autorité, à l'argent,
au travail et à la consommation", indique-t-il. Selon
lui, une stratégie orientée "communication
junior" doit valoriser la dynamique adolescente. "L'adolescent
moderne, explique-t-il, se construit comme un acteur de sa vie.
Il se structure par la confiance tout en se questionnant. Il
se transforme sur les plans physiologique, cognitif, social et
affectif. Le fait pour lui d'accéder à la pensée
abstraite est une chose formidable. Il y a là une plate-forme
riche pour la création de produits. Dès lors que
l'on envisage le possible, c'est quasiment sans limites!"
Je consomme, donc je suis
La stratégie orientée "communication junior"
doit également viser le développement de la socialisation
économique de l'adolescent. Cela, pour la simple et bonne
raison que le citoyen occidental d'aujourd'hui contribue davantage
à la société par ses activités de
consommation (80 années en moyenne) que par ses activités
de production (35 années en moyenne). "Pour un ado,
souligne Joël-Yves Le Bigot, consommer c'est d'abord se
faire plaisir, découvrir des nouveautés et s'offrir
du rêve. Un ado achète ce qui lui plaît, quelle
que soit la marque, mais de préférence des marques
connues et en faisant attention au prix." Selon lui, les
marques sont un facteur d'identité durable. "Si la
marque a bien joué son rôle et accompagné
le jeune tout au long de son adolescence, dit-il, celui-ci lui
sera fidèle 30 ans après. Selon des études
américaines, françaises et allemandes, 65 % des
marques élues à 15 ans (Calvin Klein, Coca-Cola,
Sony, etc.) sont encore privilégiées à 45
ans."
YVON LAROSE
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