Des tourbières en péril
Trois professeurs de Laval demandent l'intervention du ministre
de l'Environnement pour assurer une meilleure protection des
milieux humides du Sud du Québec
Trois professeurs de l'Université, reconnus pour leurs
travaux sur les tourbières, ont joint leur voix à
un groupe d'experts qui dénoncent le triste sort réservé
aux milieux humides du Sud du Québec. Line Rochefort,
Claude Lavoie et Serge Payette ont tour à tour écrit
au ministre de l'Environnement du Québec, André
Boisclair, pour demander que cesse la destruction de ces habitats
et pour qu'il intervienne dans le dossier Small Tea Field, l'une
des dernières tourbières du Québec méridional.
Le 4 janvier, Le Devoir dévoilait qu'une société
d'élevage de bovins avait procédé à
une coupe forestière dans un marécage du bassin
de la rivière La Guerre, à Saint-Anicet, tout près
du Small Tea Field, pour y créer des surfaces d'épandage
de fumier. La coupe aurait été faite sans autorisation
et sans que le ministère n'intervienne pour autant. Dans
une lettre datée du 13 janvier, Line Rochefort, du Département
de phytologie, et sa collègue Monique Poulin déplorent
cet empiètement et invitent le ministre à prendre
les mesures nécessaires pour protéger la tourbière
Small Tea Field et sa voisine, la tourbière Large Tea
Field. Les deux signataires constatent que, malheureusement,
ce dossier n'est pas un cas isolé puisque dans Chaudière-Appalaches
et ailleurs au Québec, des projets sont présentement
à l'étude pour transformer des tourbières
en terres cultivables afin d'y épandre du purin de porc.
"Ces milieux très sensibles ne peuvent recycler les
quantités importantes d'azote provenant du fumier ou du
purin", préviennent-elles.
Dans sa missive, également datée du 13 janvier,
Claude Lavoie, du Département d'aménagement, signale
au ministre que plus de 80 % des milieux humides du Québec
méridional est déjà disparu, au profit de
l'agriculture. "Plus de 70 % de la superficie des tourbières
Small et Large Tea Field a été transformée
en champs agricoles. Ce sont pourtant des sites très riches
en plantes rares et des écosystèmes forts peu communs
en Montérégie. L'empiètement récent
sur les marécages situés en périphérie
constitue un autre pas vers la disparition de ces écosystèmes
Les impacts des activités agricoles sur les tourbières
et autres milieux humides sont irréversibles."
Serge Payette, du Département de biologie, constate, dans
sa lettre du 29 janvier, qu'à moins de trouver des espèces
rares ou uniques, dont le statut est précaire, le ministère
de l'Environnement ne semble pas accorder une priorité
à la conservation des habitats naturels. "Triste
bilan pour un gouvernement qui fait les lois et qui ne les applique
pas! Au rythme actuel, les habitats naturels du Sud du Québec
seront choses du passé d'ici 10 ans À vouloir tout
monnayer au bénéfice de la production agricole
et de l'expansion urbaine, on risque de perdre davantage lorsque
les fragiles équilibres écologiques maintenus par
les milieux humides seront rompus."
La botaniste Gisèle Lamoureux, directrice-fondatrice du
Groupe Fleurbec et titulaire d'une maîtrise et d'un doctorat
honoris causa (1998) de l'Université, a ajouté
sa voix à celle des trois professeurs de l'Université
dans ce dossier.
JEAN HAMANN
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