Manger frais en orbite
Des chercheurs de Laval travaillent en synergie
avec la NASA
Ce printemps, Jean-Pierre Émond, professeur au Département
des sols et de génie agroalimentaire, se rendra au Kennedy
Space Center, en Floride. Il effectuera cette visite à
la NASA à titre de directeur du Groupe de recherche
sur le transport cargo aérien (GRTCA) de l'Université
Laval. "Nous avons déjà des projets en cours
avec la NASA, explique-t-il. Ce printemps, nous allons proposer
un nouveau programme de recherche axé sur la Station spatiale
internationale." Une des idées proposées consistera
à développer des unités d'entreposage de
fruits et légumes frais qui permettront, par des moyens
physiques et non chimiques, de conserver ces aliments de façon
plus prolongée. "Le moral de l'équipage de
la Station repose en grande partie sur la possibilité
de manger des produits frais, et non des aliments séchés
ou préparés", souligne Jean-Pierre Émond.
Expertises complémentaires
La collaboration entre le GRTCA et la NASA a débuté
à l'hiver 2000 lorsque l'agence américaine a contacté
le GRTCA après avoir identifié celui-ci comme "partenaire
souhaitable et complémentaire" pour un de ses laboratoires,
le Cryogenics Test Laboratory. Ce laboratoire spécialisé
dans les très basses températures et les isolants
a développé plusieurs technologies pour la navette
spatiale, la Station spatiale et les combinaisons des astronautes.
Dans l'espace, la température tourne autour de - 200º
Celsius. "Nous cherchions des laboratoires qui avaient mis
au point de nouveaux matériaux pas encore commercialisés,
raconte Jean-Pierre Émond. Eux cherchaient des gens qui
pouvaient les aider à raffiner leurs technologies pour
leur trouver une application commerciale. Il y avait là
deux expertises complémentaires."
Jean-Pierre Émond est chercheur associé depuis
un an au Cryogenics Test Laboratory. Selon lui, l'expertise du
GRTCA, dans le secteur emballage et transport des produits périssables
et pharmaceutiques, avait tout pour susciter l'intérêt
de la NASA. "Notre spécialisation, indique-t-il,
porte en grande partie sur le transport de produits sensibles
aux fluctuations de températures comme les vaccins et
les tissus humains, ainsi que sur le transport de denrées
périssables dans les conditions arctiques. Par exemple,
certains tissus humains doivent être maintenus ultra-congelés
à des températures inférieures à
moins 70 degrés Celsius." Les projets en cours avec
la NASA et lancés à l'initiative du GRTCA consistent
à développer des systèmes d'emballage à
haute isolation thermique. Les matériaux sont constitués
de polymères plastiques très imperméables
soumis à un vacuum un millier de fois plus bas que la
pression atmosphérique. Ils sont entre 30 et 2 000 fois
plus isolants que le simple polystyrène blanc. "Nous
travaillons, par exemple, à mettre au point des emballages
capables de maintenir la température des vaccins envoyés
dans les conditions hivernales extrêmes (- 45º Celsius)
pendant 72 heures, alors que les vaccins doivent être conservés
entre 2º et 8º Celsius," explique Jean-Pierre
Émond.
Des passagers végétaux
Les chercheurs du GRTCA étudient également
les conditions qui, dans la Station spatiale, amèneraient
la plus grande réduction possible de la consommation de
gaz par les fruits et légumes frais. Il faut comprendre
qu'un fruit ou un légume frais continue à "respirer"
et qu'il le fait comme un être humain, soit en inspirant
de l'oxygène et en rejetant du gaz carbonique. Sur le
plan des réserves d'oxygène, c'est comme si l'on
amenait du personnel supplémentaire en orbite. L'approche
du GRTCA consiste à réduire l'activité métabolique
des fruits et légumes en vue de réduire leur consommation
de gaz.
Dans l'éventualité d'une mission habitée
vers Mars, un voyage qui durera environ six mois, un tel aspect
deviendra crucial. D'ailleurs, une partie des travaux de recherche
menés au GRTCA au cours des prochaines années porteront
sur la conservation très prolongée de plusieurs
aliments embarqués lors de telles missions, entre autres
de fruits qui poussent sur les arbres. D'autres aliments, comme
le blé, la laitue et les fraises, pourront être
cultivés à bord dans des serres.
YVON LAROSE
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