De la dignité humaine La liberté de la recherche doit être limitée par des valeurs supérieures, estime le généticien Axel Kahn Le clonage reproductif? Un crime contre l'humanité qu'il faut prohiber de façon définitive partout dans le monde. Le clonage thérapeutique? Compliqué, cher et tellement incertain que l'intérêt thérapeutique est illusoire. La liberté de la recherche? Fondamentale, mais elle doit être limitée par des valeurs supérieures. Dans la tempête d'opinions et de délires, déclenchée par la puissance des biotechnologies, se dresse, comme un phare, Axel Kahn. Pourtant, malgré ses prises de position tranchées sur la place publique, ce médecin, généticien, bioéthicien, directeur de l'Institut Cochin de génétique moléculaire à Paris, vulgarisateur de renom et tout nouveau docteur honoris causa de l'Université Laval, est un homme tout en nuances. Bien malin celui qui aurait pu dire, au terme de l'allocution de clôture du Colloque sur les biotechnologies, présenté dans le cadre des Grandes Fêtes les 18 et 19 février, dans quel camp il se rangeait, tellement il s'est efforcé de faire valoir tous les points de vue possibles sur la question des biotechnologies, et plus spécifiquement du clonage.
Respecté par ses pairs - sa liste de publications compte 400 titres -, consulté par les élus - il préside le Groupe des experts de haut niveau sur les sciences de la vie de la Commission européenne -, et écouté par le grand public qui apprécie ses qualités de vulgarisateur - il était sur toutes les tribunes pour dénoncer l'absurdité des prétentions raéliennes le jour même de l'annonce de la naissance de bébé Ève le 26 décembre dernier -, Axel Kahn est un chevalier du progrès scientifique qui accepte l'autorité d'un seul maître, la dignité humaine. Crime contre l'Homme Les droits de l'homme, la justice et la solidarité sont les trois étalons qu'il faut utiliser pour évaluer la pertinence de recourir à de nouvelles biotechnologies, a-t-il fait valoir devant les participants au colloque. "Ce n'est pas parce que nous maîtrisons une technologie, aussi extraordinaire soit-elle, que nous devons la mettre en application. Il faut se demander: est-ce légitime, est-ce nécessaire, est-ce désirable?"
Un enfant n'est jamais tel qu'un des parents l'a voulu, malgré les ressemblances physiques et malgré l'éducation familiale, a-t-il rappelé. Son unicité biologique, qu'il doit à la loterie des gènes, est la pierre d'assise sur laquelle il bâtit son altérité psychologique. Le clonage donne un pouvoir trop grand aux parents sur l'enfant à naître parce qu'il permet à une personne de décider par avance du sexe, de la forme du visage, de l'enveloppe corporelle et peut-être même de certains traits de caractères d'un autre être. Cette prise de possession du corps d'un autre, donc de son individualité, relève ni plus ni moins d'une offense aux droits de l'homme, juge-t-il.
En début d'année, Axel Kahn déclarait dans le quotidien La Croix que "la décision de se cloner n'est pas une liberté individuelle. Elle pose la question de savoir si on est libre de créer un individu qui court le danger d'être aliéné de par sa prédétermination absolue. Accepter le clonage, c'est accepter que l'humanité comporte des fabricants d'hommes et des hommes fabriqués". Et rien ne peut justifier cela, conclut le bioéthicien, pas même la quête de connaissances. "La liberté de chercher - que je défends - s'arrête là où commence l'intégrité de la personne." JEAN HAMANN |