Star d'un soir
On inaugurera en mars un télescope à miroir
liquide de 6 mètres, conçu par une équipe
de Laval et de UBC
La première lumière d'un des grands télescopes
terrestres aura lieu au début mars, à Maple Ridge,
en Colombie-Britannique. Nommé Large Zenith Telescope
(LZT), cet instrument est le fruit du travail conjoint d'équipes
de l'Université Laval, de l'University of British Columbia
et de l'Institut d'astrophysique de Paris. Son miroir primaire
fait 6 mètres de diamètre, soit 1 mètre
de plus que celui du télescope Hale du Mont Palomar. Le
LZT viendrait au 13e rang sur la liste des observatoires astronomiques
quant à la taille de son miroir.
Contrairement aux télescopes conventionnels dont le miroir
est fait de verre, le LZT a un miroir fait de liquide réfléchissant,
du mercure plus précisément. L'un de ses concepteurs,
le professeur Ermanno Borra du Département de physique,
génie physique et optique, explore la filière des
miroirs liquides depuis 1982. "Les choses avancent lentement,
mais elles avancent", apprécie-t-il en jetant un
regard sur le chemin parcouru en deux décennies.
Pour fabriquer un miroir liquide, le chercheur place un liquide
réfléchissant dans une cuvette à laquelle
un moteur imprime un mouvement circulaire constant. Le liquide
s'étale en une mince pellicule parfaitement lisse qui
épouse la forme d'une parabole et qui peut ainsi faire
office de miroir de télescope. Pour obtenir des images
de qualité optique, il faut que les imperfections à
la surface du liquide soient inférieures au millième
de l'épaisseur d'un cheveu. "C'est presque un miracle
qu'on y parvienne", commente Ermanno Borra.
Au fil des ans, le chercheur a réussi à construire
des miroirs de plus en plus grands. Son premier faisait à
peine 50 cm. Le dernier né, avant le LZT, atteignait 3,7
m. "Théoriquement, on pourrait en construire qui
font 20 ou 30 m de diamètre, et peut-être même
au delà, avance-t-il. En plus, ils coûtent beaucoup
moins cher que les miroirs conventionnels." Les coûts
de développement et de construction du LZT ont atteint
environ 700 000 $.
Torticolis céleste
La principale limitation du LZT, et des autres miroirs liquides,
est qu'on ne peut le pointer ailleurs qu'au zénith, sinon
le liquide s'échappe de la cuvette. "Un miroir liquide
voit le ciel comme une personne, couchée sur le dos, qui
regarde droit au-dessus d'elle sans pouvoir tourner la tête
ni bouger les yeux", explique le chercheur. Au-dessus du
miroir, une étroite bande de ciel défile à
la vitesse de la rotation terrestre. Un astre donné met
environ une minute à traverser le champ de vision du télescope.
Ermanno Borra ne se laisse pas démonter par ce handicap.
D'une part, à l'aide de caméras spécialisées,
il est possible d'accumuler des données sur un même
astre soir après soir et, d'autre part, ajoute-t-il, l'Univers
est si vaste et si peu connu que, peu importe où le regard
se pose, il y a toujours de nouvelles choses à découvrir.
"Les miroirs liquides apportent une nouvelle façon
d'observer le ciel et les astronomes s'y habituent peu à
peu."
Un autre télescope, de 4 m celui-là, est présentement
en construction au Chili. Le professeur Borra travaille sur ce
projet avec des chercheurs belges, français, allemands,
britanniques et chiliens.
JEAN HAMANN
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