Nuits blanches en déroute
Le traitement psychologique de l'insomnie améliore
la qualité de vie des femmes après un cancer du
sein
Cancer. Le mot, à lui seul, fait peur. Le noir cortège
qui lui emboîte le pas est à l'avenant: anxiété,
dépression, douleurs, nausées, vomissementsOn ne
s'étonne guère que de 30 % à 50 % des personnes
à qui on vient d'annoncer un diagnostic de cancer peinent
à trouver le sommeil. Ce problème empoisonne aussi
l'existence des femmes qui survivent à un cancer du sein.
La crainte permanente du retour du spectre leur fait broyer du
noir. Dans les premières années qui suivent le
traitement de leur maladie, 51 % de ces femmes montrent des symptômes
d'insomnie et 19 % souffrent carrément d'insomnie, a déjà
démontré la professeure Josée Savard, de
l'École de psychologie.
Ces femmes peuvent maintenant espérer de l'obscurité
et du repos au bout de ce tunnel de nuits trop claires. Catherine
Quesnel, Josée Savard, Sébastien Simard, Hans Ivers
et Charles Morin, de l'École de psychologie et du Centre
de recherche en cancérologie, publieront sous peu, dans
la revue scientifique Journal of Consulting and Clinical Psychology,
une démonstration de l'efficacité d'un traitement
psychologique de l'insomnie pour les femmes qui survivent à
un cancer du sein.
Le traitement cognitif-comportemental, élaboré
par Charles Morin et son équipe, a été testé
sur dix femmes qui ont commencé à souffrir d'insomnie
après un diagnostic de cancer du sein. Les participantes
se rencontraient, une fois par semaine, pendant huit semaines,
pour des séances d'information et de discussion de 90
minutes. Lors de ces rencontres, dirigées par une psychologue,
les participantes devaient apprendre à identifier certaines
croyances qui contribuent à amplifier leurs problèmes
d'insomnie (ex.: il faut aller au lit à la même
heure chaque soir, si je dors mal le cancer pourrait récidiver)
et à les remplacer par des pensées plus réalistes.
Le traitement vise également l'adoption de bonnes attitudes
et habitudes par rapport au sommeil: aller au lit uniquement
lorsqu'on se sent fatigué, utiliser le lit exclusivement
pour dormir, sortir de la chambre à coucher si le sommeil
ne vient pas après 20 minutes, se lever à la même
heure chaque matin, peu importe le nombre d'heures dormies la
nuit précédente, etc.
Traquer l'insomnie
Les données recueillies par les chercheurs montrent
que le traitement psychologique a produit une amélioration
significative et durable de la qualité du sommeil chez
près de 80 % des participantes. Des mesures effectuées
en laboratoire montrent que le temps d'éveil a diminué
de près de 40 % entre le début de l'étude
et un test effectué six mois après la fin du traitement.
Plus de 70 % des femmes ont atteint une qualité de sommeil
caractéristique des bons dormeurs. Les résultats
révèlent également une atténuation
des symptômes de dépression et de fatigue physique,
ainsi qu'une amélioration de la qualité de vie
des participantes.
"Les quatre personnes qui utilisaient des somnifères
ont cessé, de leur propre chef, d'en consommer, signale
l'étudiante-chercheure Catherine Quesnel. Elles voulaient
se départir de cette médication, parce qu'elles
savent que ces produits ne sont pas recommandés à
long terme et parce qu'elles avaient l'impression d'avoir recours
à une béquille pour dormir."
Le traitement cognitif-comportemental, qui avait fait ses preuves
contre l'insomnie dans la population en général,
se révèle également efficace pour contrer
l'insomnie qui frappe les personnes confrontées à
un cancer, constate Catherine Quesnel. "Comme l'insomnie
est un problème courant après un cancer, les médecins
pourraient questionner leurs patientes sur la qualité
de leur sommeil lors des examens médicaux et proposer
le traitement comportemental-cognitif à celles qui en
ont besoin. Les médecins de l'Hôtel-Dieu avec qui
nous collaborons ont déjà commencé à
le faire."
L'étude de Catherine Quesnel lui a valu le prix Guy-Bégin
pour l'année 2002. Ce prix, décerné par
la Société québécoise de recherche
en psychologie, récompense le meilleur article scientifique
dont le premier auteur est un étudiant. Ses travaux de
doctorat, qui portent sur le même sujet, s'insèrent
dans une étude plus vaste que sa directrice de thèse,
Josée Savard, a entrepris auprès de 50 femmes qui
ont survécu à un cancer du sein.
JEAN HAMANN
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