LE COURRIER
POMME DE DISCORDE
J'ai lu avec grand intérêt l'article intitulé
"Pomme de discorde génétiquement modifiée",
publié dans le numéro du 16 janvier. Le problème
n'est pas celui de la neutralité car, comme le mentionne
fort justement le professeur Lambert, l'impartialité absolue
n'existe pas. Comme tout le monde, les scientifiques et les membres
de Greenpeace ont des valeurs qui transparaissent dans leurs
activités quotidiennes y compris celles qui sont de nature
professionelle.
Le problème n'est pas non plus de choisir entre un scientifique
universitaire et Greenpeace pour ce qui concerne la responsabilité
des analyses scientifiques. Greenpeace est un organisme de défense
de l'environnement et non pas une institution de recherche scientifique.
Un scientifique universitaire aura généralement
plus de légitimité pour ce qui est de la science
qu'un organisme en environnement. Cependant, Greenpeace aura
problablement plus de crédibilité auprès
du public en général lorsqu'il s'agit d'être
le chien de garde en matière de défense de l'environnement.
Le vrai problème est celui des conflits d'intérêt,
ou tout du moins, de la perception de conflits d'intérêt
entre la recherche scientifique, les intérêts économiques
et l'intérêt public. La dépendance croissante
des chercheurs universitaires au financement provenant des entreprises
privées posent, en général, un grave problème
quant à l'indépendance des chercheurs et l'utilisation
potentielle de leurs résultats pour légitimer des
intérêts commerciaux. C'est pour cela, notamment,
que la Société royale du Canada réclame
des études scientifiques indépendantes.
Le véritable problème n'est pas le fait que le
professeur Michaud soit passionné par les OGM, mais que
le ministre de l'Environnement lui donne le monopole de la responsabilité
de faire une évaluation des aspects potentiellement négatifs
d'une technologie pour laquelle il s'est prononcé favorable
à maintes reprises.
ÉRIC DARIER Ph.D.
Responsable de campagne
Greenpeace
À LA MÉMOIRE DE MICHEL LECOURS
Le 21 octobre dernier décédait le collègue
Michel Lecours. Son état de santé s'était
détérioré depuis une quinzaine de mois et
en janvier 2002, l'heure d'une retraite prématurée
s'avérait imminente. Dans le passé, Michel m'avait
fait part de ses projets d'une retraite qu'il entrevoyait comme
un moment de plénitude et de sérénité.
Il avait, toute sa vie durant, joui d'une extraordinaire vigueur
physique, une force de la nature que nul n'aurait soupçonné
être candidat à un mal insidieux qui le terrasserait.
Cette retraite dorée ne fut hélas qu'un mirage
à portée de main.
Au cours de sa maladie, j'ai eu l'occasion de le rencontrer et
de fraterniser avec lui et d'autres amis autour d'une bonne table.
Il m'a souvent fait part que ces rencontres lui étaient
bénéfiques et combien agréables. En septembre
dernier, je réalisais qu'il était engagé
sur la voie de non retour. Il demeurait stoïque et serein,
tout en espérant l'impossible. Son départ fut pour
lui une délivrance à n'en pas douter.
C'est durant les années 70 que j'ai connu Michel. Il occupait
la fonction de directeur du Département de génie
électrique alors que j'étais à la direction
du Département de biologie. Le professionnalisme qui l'animait
dans les rencontres inter-départements dénotait
une facilité à percevoir les éléments
fondamentaux qui régissent une sage gestion administrative.
Pédagogue dans l'âme, scientifique chevronné,
il possédait un sens particulier pour l'analyse de situations
complexes et diversifiées. Sa force résidait dans
une approche logique qui convergeait vers les éléments
de solution. Tout était clair et net dans son esprit et
il savait dégager les composantes des problématiques
dans un exposé concis et précis. C'est d'une façon
rationnelle qu'il évaluait les situations et il savait
faire la part des choses pour en dégager les éléments
clés recherchés. Ce qui ne gâtait rien, il
était d'un commerce agréable et savait en toute
circonstance respecter l'autre.
Lors de ma nomination au poste de doyen de la Faculté
des sciences et de génie, en mai 1977, la première
personne à qui j'ai pensé pour m'assister comme
vice-doyen fut Michel. Une consultation menée auprès
des collègues venait confirmer le réalisme de mon
intention. Je me rappelle fort bien sa réaction spontanée
lorsque je lui ai proposé le poste de vice-doyen à
l'administration. La conversation tournait sur divers aspects
administratifs de la Faculté et la clarté de son
propos m'indiquait sans équivoque qu'il était l'homme
de la situation. Jamais je n'ai remis en question, au cours de
mes huit années au décanat, cet heureux choix.
Décision importante qui porta fruit. Intégrer Michel
Lecours dans une équipe c'était une formule gagnante.
Homme de principe, attentif à la réalité,
engagé et engageant il a été un collaborateur
de haut calibre. Retraité depuis quelque dix ans, le recul
du temps confirme mon opinion et je me plais à l'exprimer
à nouveau.
Ceux et celles qui ont assisté aux funérailles
ont été à même de constater à
travers les témoignages de M. Paul Fortier, directeur
du Département de génie électrique et de
génie informatique ainsi que celui de l'une des nombreuses
étudiantes qu'il a dirigées, combien Michel se
donnait dans son rôle de chercheur et faisait preuve d'ouverture
et de disponibilité.
C'est dans la fonction de vice-doyen à l'administration
que j'ai vu et mieux connu l'homme qu'il était. Travailleur
infatigable, il abattait une somme de travail hors du commun.
Sans prétention et avec aisance, il savait mettre en forme
un texte limpide, sans bavure ni rature. Ce don pour l'écrit
était un atout que je lui enviais. Homme discipliné,
les échéances ne le rebutaient pas.
C'est au cours des réunions de direction de la Faculté
qu'émergeait son habileté pour l'analyse et la
synthèse. Combien de fois ses interventions ont permis
de dénouer des problématiques de taille. La rapidité
et la justesse de son jugement étaient proverbiales. Ouvert
aux discussions positives il savait demeurer ferme et suivre
la voie qu'il s'était tracée. Il n'était
pas un homme de compromission, mais un homme de décision
qu'il savait toujours assumer. Sa franchise et son intégrité
intellectuelle lui valurent une crédibilité à
toute épreuve face aux collègues qui aimaient le
consulter.
Deux jours avant son décès, je faisais une dernière
visite à sa résidence. Son épouse, Almut,
lui prodiguait avec courage et tendresse les soins que requérait
son état. Elle m'informa combien pénible avait
été la dernière semaine. Le courage de cette
dame n'avait d'égal que celui de Michel qui survivait
péniblement. Alité, très pâle, il
trouva moyen de me dire "Lucien les dernières pommes
que tu m'as apportées étaient très bonnes".
Puis il esquissa un sourire qui en disait beaucoup plus. Je garde
de ce geste un souvenir qui me revient à l'esprit à
tout propos.
Si présent dans son milieu de travail, il savait l'être
tout autant au sein de sa famille. Le couple Lecours était
merveilleux et d'agréable compagnie. Trois enfants leur
sont nés et la relève compte déjà
deux petits-enfants. Fier des siens, Michel les chérissait,
aimait bien parler d'eux et en a fait sa raison de vivre. Nous
partageons le deuil de la famille Lecours qui pleure un être
cher et qui nous manquera. C'est dans le souvenir que tu laisses
à tous, cher Michel, que ta présence survivra.
LUCIEN HUOT
Doyen (1977-1985) de la
Faculté des sciences et de génie
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