Allez hop cascade!
Petite visite dans les coulisses du concours de cascades des
Jeux des sciences universitaires du Canada
Vendredi, 10 janvier, 9 h 30. L'agora du pavillon Alphonse-Desjardins
est déserte et froide lorsque les premières équipes
qui prennent part à la compétition de cascades
des Jeux des sciences universitaires du Canada commencent à
arriver. Les participants ont le pas lourd et les yeux petits
en cette troisième journée de compétition
amicale mais féroce qui rassemble environ 300 étudiants
provenant de 15 universités du Québec, de l'Ontario
et des Maritimes. De toute évidence, les délégations
ont fraternisé très fort la veille.
Malgré tout, la compétition reprend et, peu importe
l'état dans lequel ils se trouvent, les participants doivent
faire démarrer leurs neurones. Chaque délégation
doit concevoir et monter un système en cascades (une action
en déclenche une autre qui en déclenche une autre,
du type Mouse Trap) pour dérouler le drapeau
de sa délégation. "Les équipes sont
évaluées sur plusieurs aspects, explique l'un des
organisateurs, Nicholas Forestier. Il faut que la cascade fonctionne,
bien sûr, mais il faut aussi que des principes biologique,
chimique, physique et mathématique, de même qu'un
programme informatique, interviennent pendant son déroulement.
On accorde aussi des points pour l'originalité et les
effets spéciaux."
9 h 40. Toutes les équipes sont maintenant au travail.
Toutes? Non, puisque Laval manque encore à l'appel. Pourtant,
tout doit être prêt pour 11 h 30. "Je ne suis
pas inquiet, laisse tomber Nicholas Forestier. Ils sont très
bien organisés. En 20 minutes, leur montage sera prêt."
La suite des événements allait donner tout son
sens à la formule "projection optimiste".
9 h 50. L'équipe de Laval arrive enfin (Jean-François
Aubin, Manuel Cabral, Frédérick Chevrier, Philippe-Olivier
Giroux, Hans Larsen, Jean-Luc Lemyre, Marie-Philippe Naud et
Émilie Roy). "On travaille non-stop depuis
quatre jours sur le projet", explique le responsable de
l'équipe, Frédérick Chevrier, d'une voix
éraillée. "Notre montage comporte une douzaine
d'étapes et il répond à tous les critères.
On a même fait un peu de décoration pour le rendre
plus attrayant." Le design de la cascade dénote,
en effet, un certain souci de l'esthétisme puisque toutes
les lettres du mot LAVAL y ont été intégrées.
Ainsi, le bras droit du V sert de canon, le dernier L, en forme
de palmier, sert à accrocher des éléments
de la cascade dont un piège à souris et - pour
donner une touche humoristique au tout - le premier L est devenu
une bottine!
10 h 45, Grand Salon. Frédérick Chevrier explique
les différentes étapes de la cascade à une
trentaine d'étudiants de l'école secondaire Jean-de-Brébeuf
venus assister à l'événement. "Toutes
les étapes ont été testées, sauf
l'informatique", leur explique-t-il.
10 h 45, Agora. Hans Larsen, responsable de l'informatique dans
l'équipe de Laval, ne parvient pas à faire démarrer
l'ordinateur. Une étiquette collée à l'écran
affiche 50 $, ce qui laisse planer certains doutes sur l'âge
de l'équipement.
11 h. Les responsables annoncent qu'il ne reste plus que trente
minutes au cadran. L'équipe de Laval s'active fébrilement
et l'un des coéquipiers fait tomber le dernier L de Laval,
qui percute le A, qui fait basculer le V. Méchante cascade!
11 h 05. Hans Larsen dissèque son ordinateur pour voir
ce qui cloche. Une unité de mémoire déconnectée
tombe du boîtier. Y a-t-il un docteur en informatique dans
la salle?
11 h 15 Pendant que ses coéquipiers tentent désespérément
de repositionner toutes les pièces de la cascade, Philippe-Olivier
Giroux accorde des entrevues au journal Le Soleil et à
TQS. Aussitôt terminé, il se voit remettre un paquet
de fils d'ordinateur entremêlés par Hans Larsen.
"Tiens la vedette, démêle-moi ça."
Ça cloue, scie et planche chaotiquement!
11 h 27. Les fils sont démêlés et soudés,
l'ordinateur fonctionne et le plafond de l'agora qui menaçait
de s'effondrer sur l'équipe de Laval a subitement regagné
sa place.
12 h 58. L'heure de vérité a sonné pour
Laval. Sous l'oeil d'environ 200 spectateurs et de quelques milliers
d'auditeurs branchés sur TQS, la cascade est actionnée.
L'honneur de la première université francophone
d'Amérique est en jeu. Les étudiants de Laval retiennent
leur souffle. Les douze réactions s'enclenchent les unes
après les autres, comme un jeu de domino, et, quelques
secondes plus tard, le drapeau de l'Université se déploie,
tel que prévu, sous les applaudissements de la foule en
délire. Les membres de l'équipe sautent de joie,
se donnent l'accolade, s'échangent de vigoureuses poignées
de main. Eux qui se connaissaient peu ou pas il y a une semaine
à peine, viennent de vivre ensemble une expérience
qui marquera leurs années de bac. Ils termineront finalement
2e au concours mais, à ce moment précis, ils auraient
gagné une médaille d'or aux Jeux olympiques qu'ils
n'auraient pas eu l'air plus heureux.
JEAN HAMANN
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