9 janvier 2003 |
La publicité réussit à nous convaincre
que nous serions pauvres si nous n'avions plus la possibilité
d'acheter à l'année longue des tomates ou des pêches,
ou si nous ne pouvions changer régulièrement de
téléviseur, affirme Claude Cossette, professeur
titulaire en publicité et image au Département d'information
et de communication. Le mercredi 11 décembre, lors d'un
dîner-conférence de Centraide-Québec dans
un hôtel de la Vieille Capitale, il a livré un exposé
sur le thème "La publicité, étiqueteuse
de pauvreté". "Vous êtes pauvre, ajoute-t-il,
quand vous avez des frères et des surs qui ont des revenus
de ménage annuels de 200 000 $ et que vous ne gagnez que
40 000 $. C'est en théorie au-dessus du seuil de pauvreté,
mais vous ne pouvez pas leur faire de cadeaux comme ils vous en
font, ni prendre de vacances dans le Sud comme ils le font."
Une cible de choix
Claude Cossette indique que, dans un monde où domine
la pensée marchande et où la publicité sert
à multiplier le nombre de pauvres, les jeunes se retrouvent
de plus en plus dans la mire des publicitaires. Il existe maintenant
six segments de marché différents pour cette clientèle,
notamment le segment des nouveaux-nés jusqu'à deux
ans! Au Canada, la tendance à la déréglementation
a comme conséquence que la législation régissant
la publicité destinée aux enfants à la télévision
se trouve maintenant battue en brèche. Aux États-Unis,
où il se dépense chaque année 200 milliards
de dollars en publicité, quatre étudiants universitaires
sur cinq obtiennent leur première carte de crédit
avant la fin de leur première année d'université.
Il y a quelques années, la majorité de ceux et celles
qui quittaient l'Université d'Indiana ne le faisaient pas
à cause d'un échec scolaire, mais bien parce qu'ils
étaient incapables de rembourser leurs dettes.
"La publicité, qui encourage à consommer plus
que ses moyens, appauvrit davantage le pauvre que le riche, soutient
Claude Cossette. Le jeune ou le chômeur qui "profite"
des conditions de paiement s'appauvrit davantage encore car il
paiera 20 % de plus pour ses achats que celui qui paye la totalité
du solde mensuel de sa carte de crédit. La publicité
répète sans cesse: zéro pour cent d'intérêt,
ou 36 mois pour payer sans intérêt. Seuls les naïfs
peuvent croire ça. Et les premiers naïfs, ce sont
les jeunes."
De l'espoir malgré tout
Selon le conférencier, les publicitaires ne peuvent
tenir compte des pauvres car ils ne font pas partie du monde de
la solidarité ni de celui de la compassion, mais bien de
celui de l'argent. Claude Cossette considère la publicité
actuelle à peine moins éthique, à peine plus
immorale que chacun d'entre nous. Il pense par ailleurs que les
publicitaires et les médias peuvent aider à contrer
la pauvreté en faisant de la publicité sociale en
vue du bien commun. Il croit également possible,
par l'éducation, de développer dans la population
un sens critique face à la publicité.
"Un citoyen, indique Claude Cossette, ne comprendra pas la
pauvreté s'il ne fait qu'écouter des animateurs
de radio tels André Arthur ou Jeff Fillion qui entraînent
le petit peuple et les jeunes plus naïfs vers la droite et
l'égoïsme personnel et social." Selon lui, les
utopistes peuvent changer quelque chose en travaillant sur l'attitude
des chefs d'entreprise. "Ce sont des êtres humains,
explique-t-il. Quand ils enlèvent leur chapeau de capitaliste,
ils peuvent comprendre que tout le monde a droit à une
vie meilleure. Ils pourraient même comprendre que moins
de profit, c'est laisser plus d'argent aux petits qui redeviendront
des consommateurs de leurs produits."
|