9 janvier 2003 |
La tenue d'un mini-colloque sur le thème de la liberté
religieuse, les 12 et 13 décembre dernier, ne pouvait survenir
à un meilleur moment. Le jour même où démarrait
cette activité présentée dans le cadre du
Séminaire de doctorat de la Faculté de théologie
et de sciences religieuses, le quotidien La Presse publiait
à la une un article sur la décision d'une école
privée de Montréal d'interdire l'interprétation
de chants de Noël religieux par la chorale de l'établissement.
Peu de temps auparavant, la Ville de Toronto avait défrayé
les manchettes avec sa décision de renommer son traditionnel
sapin de Noël, "sapin des Fêtes".
Selon Gilles Routhier, professeur à la Faculté de
théologie et de sciences religieuses, de telles réactions
reflètent une peur de la différence dans une société
habituée pendant très longtemps à fonctionner
dans un cadre religieux homogène, mais confrontée
de plus en plus au pluralisme religieux. "À partir
du moment où cette homogénéité n'existe
plus, explique-t-il, on se retrouve avec une nouvelle donne. La
tentation, plutôt que d'accueillir le pluralisme, est alors
de dire: puisque les gens ont des convictions religieuses différentes,
ils doivent s'abstenir de les exprimer. Et l'on va faire comme
si la religion, ne pouvant plus trouver de lieu d'expression dans
la sphère publique, n'appartenait plus qu'à la sphère
privée."
Cette approche, il va sans dire, contredit la notion même
de liberté religieuse dont la définition est justement
d'ouvrir l'espace public à la liberté et de permettre
le pluralisme. "Ce refoulement du religieux en dehors de
l'espace public est également une prise de position religieuse,
agnostique, athée, qui n'est pas neutre, affirme Gilles
Routhier. On ne veut pas aller vers la liberté religieuse
parce que celle-ci commande toujours la rencontre de l'autre qui
est différent de soi. À cause de cette différence,
l'autre me remet toujours en question et m'oblige à dire
ce que je suis."
Un âpre débat
Dans son exposé lors du mini-colloque, Gilles Routhier
a abordé les enjeux théologiques et ecclésiaux
ayant entouré la promulgation, par le concile Vatican II
en 1965, de Dignitatis Humanae (La dignité humaine),
la Déclaration sur la liberté religieuse. "Ce
texte n'allait pas de soi, et il a suscité une bonne controverse
pendant le concile et même après, explique-t-il.
Si Mgr Lefebvre a quitté l'Église catholique pour
former une église que l'on appelle schismatique, c'est
entre autres parce qu'il avait le sentiment que la Déclaration
représentait une rupture d'avec la tradition doctrinale
de l'Église."
Jusque-là, le point de vue de l'Église catholique
consistait à dire que la vérité a des droits,
que l'Église est détentrice de la vérité,
que les États ont des obligations à l'égard
de cette même vérité, donc que ceux-ci ont
des obligations envers l'Église. En 1965, l'Église
déclarait officiellement que les personnes ont des droits,
pas la vérité. "La Déclaration ouvrait
un espace de liberté, indique Gilles Routhier. Les États
ne peuvent contraindre leurs citoyens à embrasser une religion
ou une autre et ils ne peuvent considérer comme des citoyens
de seconde zone ceux et celles qui pratiquent une religion différente."
Depuis l'Encyclique Mirari Vos du pape Grégoire
XVI, promulguée en 1832, la doctrine concernant la liberté
religieuse a connu un authentique développement. "À
cette époque, et dans un contexte tout à fait différent,
il y a eu une condamnation de la liberté de conscience,
rappelle Gilles Routhier. Ensuite, deux encycliques, promulguées
en 1864 et en 1885, ont fait évoluer la doctrine dans sa
continuité. Nous ne sommes pas aujourd'hui dans la répétition,
mais bien dans un approfondissement."
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