9 janvier 2003 |
Les analyses effectuées depuis un an par les chercheurs
du Centre d'études nordiques (CEN) révèlent
que la forêt fossile découverte sur l'île Bylot
à l'été 2001 serait âgée de
2 à 2,5 millions d'années. L'analyse de la composition
végétale de cette forêt et l'étude
des couches de sol qui l'entourent ont permis d'établir
des comparaisons avec d'autres forêts fossiles d'âge
connu, retrouvées ailleurs dans l'Arctique.
Rappelons qu'en juin 2001, l'étudiant-chercheur Daniel
Fortier avait eu la fortune de marcher sur un tronc d'arbre alors
qu'il menait des travaux sur le pergélisol à l'île
Bylot, dans l'Arctique canadien. L'anecdote aurait été
banale si ce n'est que la limite des arbres est située
1 500 km plus au sud. Intrigué, l'étudiant-chercheur
a remonté le torrent près duquel il avait trouvé
le tronc pour finalement découvrir une forêt fossile
au sommet d'une montagne, à quelque 500 mètres au-dessus
du niveau de la mer. Enfouie sous plusieurs mètres de sol,
la forêt avait été mise au jour par le torrent
qui lui arrachait, à l'occasion, quelques vestiges.
L'étude des sols effectuée l'été dernier
par Olivier Piraux, Michel Allard et Daniel Fortier permet d'établir
"une corrélation stratigraphique et paléoclimatique
avec d'autres sites arctiques dont celui de Kap Kobenhavn, au
nord du Groenland, et celui de Wolf Valley sur l'île d'Ellesmere.
Selon cette corrélation, l'âge de la forêt
de l'île Bylot serait entre 2 et 2,5 millions d'années",
a signalé Olivier Piraux lors du colloque annuel du CEN,
présenté en décembre.
À nulle autre pareille?
La même conclusion se dégage de l'étude
des restes végétaux retrouvés dans la forêt
fossile. Les feuilles, aiguilles, cônes et graines étudiés
par Claude Lavoie, Daniel Fortier, Olivier Piraux et Michel Allard
ont permis l'identification de nombreuses espèces de plantes,
dont quelques taxons aujourd'hui disparus. Deux de ces plantes
éteintes (Myrica arctogale et Aracites globosa)
ont été retrouvées dans d'autres sites datant
du Tertiaire, notamment celui du Kap Kobenhavn.
"La plupart des espèces présentes dans la forêt
fossile se retrouvent maintenant dans la forêt boréale
du Canada", résume Claude Lavoie. Les analyses ont
cependant réservé quelques surprises aux chercheurs.
La forêt fossile aurait notamment abrité du pin à
écorce blanche, une espèce qui ne se retrouve aujourd'hui
que dans les régions montagneuses de l'Ouest du continent
américain, de même qu'une plante herbacée,
le décodon, dont la limite nordique actuelle atteint à
peine le Sud du Québec. "C'est une espèce qui
n'a rien de boréal de sorte qu'il est extrêmement
inusité de la retrouver sur l'île Bylot", signale
le chercheur. Il s'agit là d'une indication fort claire
que le climat était nettement plus doux à l'époque
où cette forêt prospérait sur Bylot. Les premières
analyses des restes d'insectes révèlent même
la présence de fourmis charpentières, "ce qui
signifie qu'il y avait du bois en quantité suffisante pour
soutenir des colonies de cette espèce", ajoute-t-il.
Selon Claude Lavoie, la forêt fossile de Bylot ne serait
pas un simple échantillon de l'actuelle forêt boréale
transposée dans un site plus nordique. "La présence
de plusieurs espèces de conifères, dont des arbres
apparentés au groupe des pins à cinq aiguilles,
et de plantes qu'on ne trouve aujourd'hui que dans des zones tempérées
suggère qu'il n'existerait plus, de nos jours, de milieux
analogues à la forêt fossile de l'île Bylot",
avance le chercheur.
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