9 janvier 2003 |
Whapmagoostui-Kuujjuarapik est une agglomération isolée
du Québec subarctique située sur la côte est
de la baie d'Hudson, à l'embouchure de la Grande Rivière
de la Baleine. L'endroit, fondé après l'installation
d'une base militaire en 1954, n'est accessible que par la voie
des airs et par bateau un mois par an. On y trouve un village
cri de quelque 750 habitants ainsi qu'un village inuit. À
l'origine une prairie, l'emplacement de Whapmagoostui-Kuujjuarapik
présente aujourd'hui de vastes surfaces dénudées
et sableuses sur les deux tiers de sa superficie. Ces surfaces
connaissent en outre d'importants problèmes d'érosion
causés par l'action du vent. Un climat rigoureux, mais
également les constructions, l'utilisation anarchique de
véhicules tout-terrain et même la présence
de nombreux chiens expliqueraient l'incapacité du couvert
végétal à retrouver son état d'origine.
Ces observations ont été faites le mardi 17 décembre
dernier par Vincent Desormeaux, étudiant à la maîtrise
en sciences géographiques, lors du 23e colloque annuel
du Centre d'études nordiques. À l'été
2002, il a passé deux mois et demi chez les Cris de Whapmagoostui
dans le cadre de son projet de mémoire. Selon lui, l'instabilité
du substrat fait de sables deltaïques à texture variable
a des effets négatifs sur la santé et la qualité
de vie des résidants du village. "L'asthme et les
éruptions cutanées représentent les deux
grands problèmes de santé, indique-t-il. Lors des
journées chaudes et sèches, les aînés
doivent rester à l'intérieur parce qu'ils ont de
la difficulté à respirer. Le sable entre dans les
maisons et use prématurément les planchers, les
escaliers, à peu près tout. Il vente beaucoup. J'ai
même vu des tempêtes de sable."
Une problématique qui touche à l'écologie
et à la géographie
L'objectif général du mémoire consiste
à fournir au conseil de bande de Whapmagoostui, ainsi qu'à
la Chaire nordique en écologie des perturbations de l'Université
Laval, les informations scientifiques de base nécessaires
à l'élaboration d'un programme visant la restauration
naturelle de la végétation. Quatre objectifs spécifiques
sont poursuivis, dont celui de l'étude de la dynamique
historique du couvert végétal à partir notamment
de photos aériennes couvrant les 50 dernières années.
Sur le plan méthodologique, Vincent Desormeaux recourt
entre autres à la cartographie, à l'analyse de photos
aériennes, à l'échantillonnage de sol et
à l'entrevue individuelle. Une fois colligées, les
données obtenues seront intégrées à
un système d'information géographique. Selon lui,
les Cris ne veulent pas d'arbres, mais des herbacées pour
la revitalisation du couvert végétal. "Les
types de plantes requises sont locales et propres au milieu, explique-t-il,
par exemple Elymus arenarius, ou seigle de mer, la plante
dominante du secteur. Cette plante pionnière est stimulée
par un sol qui bouge. Elle domine parce que depuis au moins 50
ans la perturbation empêche la succession végétale
de se faire."
De l'eau et des clôtures
Selon Vincent Desormeaux, il existe des solutions possibles
et abordables à la dégradation généralisée
du couvert végétal de Whapmagoostui, entre autre
l'installation de clôtures à neige. "La grosse
contrainte naturelle, dit-il, c'est l'eau. Une fois la neige fondue,
il pleut très peu, soit environ 640 millimètres
par an. Davantage d'eau accélérerait la croissance
des plantes. Des clôtures retiendraient la neige en certains
endroits et fourniraient un apport en eau pouvant aller jusqu'à
trois semaines supplémentaires. Sur le plan comportemental,
des clôtures, qui se fondraient dans le paysage, limiteraient
la circulation au réseau routier existant et aux pistes
les plus utilisées sur le territoire. Dans le même
ordre d'idée, on pourrait limiter le stationnement des
véhicules à des zones désignées."
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