9 janvier 2003 |
Le système de bons d'études préconisé
par l'ADQ découle en grande partie de l'identification
d'un faux problème et se fonde sur des reproches injustifiés
à l'égard de l'actuel système d'éducation
du Québec. Qui plus est, il fait miroiter des attentes
irréalistes et comporte nombre d'incohérences et
de conséquences imprévues mais néfastes,
non seulement pour l'ensemble du système d'enseignement,
mais aussi pour des portions importantes de la population étudiante.
Tel est le jugement sévère dont fait l'objet le
programme du parti de l'Action démocratique du Québec
(ADQ) en matière d'éducation, dans une étude
récente réalisée par Charles A. Carrier,
professeur associé au Département d'économique
de l'Université Laval, et Charles Cauchon, conseiller en
financement et en transport scolaire à la Fédération
des commissions scolaires du Québec, l'organisme qui a
commandité la recherche.
On sait que le programme de l'ADQ prévoit le remplacement
du système de financement présentement en vigueur
par un système de bons d'études où chaque
parent recevrait un bon correspondant à un financement
gouvernemental fixe et aurait la liberté de choisir l'école
que fréquenterait son enfant. Une telle réforme
entraînerait une "ghettoïsation de l'éducation",
croient les signataires de l'étude. "Ce qui ressort
de l'ensemble des expériences examinées (au Canada,
aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Angleterre)
est que les meilleurs élèves se retrouvent ensemble
et de même pour les moins performants. Par conséquent,
la majorité de la population n'est pas gagnante",
écrivent Charles A. Carrier et Charles Cauchon.
Une amélioration?
Par ailleurs, l'implantation de bons d'études occasionnerait
des coûts additionnels de centaines de millions de dollars
pour l'État québécois, avancent-ils. Dans
l'immédiat, la subvention totale de l'État versée
pour l'enseignement primaire et secondaire augmenterait d'environ
170 millions de dollars en raison du jeu compensatoire du financement
accordé au réseau public et au secteur privé.
Le ministère de l'Éducation alloue présentement
au réseau public 4 988 $ par élève contre
3 259 $ par élève au secteur privé. L'instauration
d'un système de bons d'études nivellerait à
5 000 $ par élève la contribution gouvernementale.
D'où l'augmentation de 170 millions de dollars, car quelque
100 000 élèves fréquentent des établissements
privés.
"Toutefois, les implications à moyen et à long
terme d'un système de bons d'études risquent d'excéder
de beaucoup les implications immédiates", craignent
les deux analystes. On pourrait alors assister, selon eux, à
une ruée vers le secteur privé, lequel demanderait
de recevoir des investissements importants pour augmenter son
nombre de places disponibles pendant que de nombreuses places
deviendraient vacantes dans le réseau public. Le coût
global pour la société pourrait ainsi excéder
facilement les 170 millions cités auparavant.
"On peut se demander pourquoi remettre en question tout un
système, alors qu'il apparaît clairement que les
systèmes de bons d'études expérimentés
n'ont pas conduit à l'amélioration des services
et à une meilleure réussite des élèves",
critiquent Charles A. Carrier et Charles Cauchon.
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