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12 décembre 2002 ![]() |
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Anne Pellerin collectionne les signatures d'étoiles. Pas comme les fanatiques qui poursuivent les vedettes de cinéma dans tout Hollywood pour obtenir leur autographe. Son domaine de chasse se situe bien au delà, aux quatre coins de la Voie lactée, et même dans la galaxie voisine. Récemment, la jeune astrophysicienne publiait, avec sa directrice de thèse Carmelle Robert, les carnets de voyage de ses dernières battues sidérales - un atlas contenant les signatures ou spectres de 45 étoiles massives - dans les pages de l'Astrophysicial Journal Supplement Series. |
Photo Marc Robitaille |
"Ces étoiles font plusieurs dizaines de fois la masse du Soleil, explique l'étudiante associée au Groupe de recherche en astrophysique. Elles sont peu nombreuses, mais la lumière qu'elles émettent est tellement brillante qu'elle noie celle produite par les étoiles plus petites qui se trouvent à proximité." La précieuse collection qu'elle a constituée est allée enrichir une bibliothèque spectrale à laquelle collaborent d'autres chasseurs de spectres de différents pays. Pourquoi pareil intérêt pour des graphiques qui, à l'oeil du profane, paraissent similaires et redondants? Parce que derrière chacune de ces signatures se cache une étoile, la nature et l'abondance des éléments qui la composent et les conditions dans laquelle elle évolue.
Dans l'oeil d'un satellite
La particularité des signatures spectrales recueillies
par Anne Pellerin et Carmelle Robert tient du fait qu'elles couvrent
une lumière non visible à l'oeil nu, l'ultraviolet
lointain, "une lumière associée à des
événements de très haute énergie",
précise l'étudiante-chercheure. Paradoxalement,
ce type de lumière ne franchit pas l'atmosphère
terrestre.Pour la recueillir, il faut donc aller la chasser dans
son habitat naturel, là elle s'ébat librement:
l'espace. Depuis le 24 juin 1999, un outil exceptionnel pour
amasser cette précieuse lumière tourne autour de
la Terre.
Fruit d'une initiative conjointe de la NASA, de l'Agence spatiale européenne et de l'Agence spatiale canadienne, le satellite FUSE (Far Ultraviolet Spectroscopic Explorer) voit, avec une sensibilité et une résolution inégalées, ce qu'aucun autre observatoire n'a vu auparavant. Sa mission devait durer trois ans. Elle en durera au moins deux autres et peut-être plus. "À court terme, la vie du satellite n'est pas limitée par son autonomie énergétique, mais par les fonds pour soutenir l'équipe au sol", précise Anne Pellerin. |
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En effet, une importante équipe de la John Hopkins University dirige le projet, établit le calendrier d'observations, programme les opérations et recueille puis distribue les données en provenance de l'observatoire satellite. "Je reçois les données directement dans mon poste de travail, sans quitter le campus", raconte Anne Pellerin, nullement démontée par cette dimension casanière de son travail. "Par contre, je suis aussi allée à l'Observatoire Canada-France-Hawaii (situé au sommet du Mauna Kea à Hawaii) pour obtenir la contrepartie optique de mes données et pour aller chercher d'autres informations."
Signature primale
Anne Pellerin tente de perfectionner un code de synthèse,
élaboré par Carmelle Robert, qui sert à
déterminer le bon mélange de spectres d'étoiles
qui reproduira le plus fidèlement possible la signature
spectrale des galaxies lointaines à la façon
d'un peintre qui cherche le bon dosage de pigments pour obtenir
la couleur désirée. Pour y arriver, elle étudie
les étoiles massives situées le plus près
de la maison, dans notre galaxie, la Voie lactée, et dans
les nuages de Magellan. Elle dispose présentement de plus
de 300 signatures d'étoiles pour réaliser ce travail.
"Ces spectres nous aident à améliorer un code
de synthèse qui effectue le mélange de spectres
d'étoiles dont on connaît l'origine pour déduire
la composition de galaxies lointaines dont on ne sait rien. Notre
galaxie est un laboratoire hors pair pour étudier de petits
détails qu'on ne verrait pas dans les galaxies plus éloignées."
En observant les spectres de galaxies distantes, Anne Pellerin
remonte le fil du temps et reconstitue les événements
qui président à la naissance, aux étapes
de vie et à la destinée des galaxies. Et, qui sait,
si elle pouvait voir un peu plus loin encore, peut-être
pourrait-elle recueillir l'autographe de la star des stars, la
signature spectrale du Big Bang lui-même?
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