5 décembre 2002 |
Des chercheurs du Département de phytologie pourraient
bien avoir trouvé réponse à l'énigmatique
inefficacité de certains biopesticides. L'étudiant-chercheur
Robert Ouedraogo et le professeur Jacques Brodeur auraient découvert
pourquoi certaines souches de champignons utilisés pour
lutter contre les insectes nuisibles donnent des résultats
spectaculaires en laboratoire, mais font "patate" dans
les champs.
Les deux chercheurs ont observé que des criquets infectés
par ces champignons montraient un accès de fièvre
comportementale. "Lorsque les spores du champignon prolifèrent
dans un criquet infecté, celui-ci modifie son comportement,
explique Jacques Brodeur. Il cesse de s'alimenter et il se réfugie
dans des habitats caractérisés par des températures
élevées où il se laisse dorer au soleil.
Ce comportement entraîne une élévation de
sa température corporelle et, c'est là la beauté
du phénomène, cette fièvre comportementale
contribue à stopper le développement des champignons."
Contrairement aux animaux à sang chaud, les insectes ne
peuvent élever leur température corporelle de façon
physiologique. "Ils le font donc en modifiant leur comportement,
explique le professeur Brodeur. Ils sélectionnent des microhabitats
chauds, ils accolent leur corps aux surfaces brûlantes ou
bien ils se mettent à trembler." Les tests menés
au Burkina Faso montrent que, pendant la phase de multiplication
du champignon, la souche étudiée par les chercheurs
est détruite à une température de 48 degrés
Celsius. "Grâce à la fièvre comportementale,
les criquets peuvent atteindre une température de 52 degrés
Celsius, signale Jacques Brodeur. Ceci explique pourquoi ces champignons
causent 85 % de mortalité en laboratoire, alors qu'ils
sont presque totalement inefficaces en nature."
Douche froide
De plus, les travaux de Robert Ouedraogo ont mis en évidence
- et il s'agit là d'une première chez les arthropodes
- qu'il y a synthèse de nouvelles protéines chez
les criquets infectés qui adoptent un comportement fébrile.
"Ces protéines sont impliquées dans la défense
immunitaire de l'insecte, précise Jacques Brodeur. Elles
interviennent dans le processus d'encapsulation des spores du
champignon."
Selon le chercheur, ces découvertes risquent d'avoir une
incidence sur les méthodes de lutte biologique employées
contre les criquets et les sauterelles, aussi bien en Afrique
sahélienne que dans les Prairies canadiennes. "Des
équipes européennes et africaines ont développé
une importante stratégie de lutte biologique basée
sur la pulvérisation de champignons entomopathogènes.
Nos travaux permettent désormais de comprendre l'un des
facteurs qui contribuent à diminuer le potentiel des biopesticides."
Même si la fièvre comportementale jette une douche
froide sur les partisans des biopesticides, elle ne signe pas
l'arrêt de mort des champignons entomopathogènes.
"Chez les criquets, s'il n'y a pas de fièvre comportementale
dans les 36 heures qui suivent l'infection, le champignon prolifère
et l'insecte meurt. Il faut donc avoir recours aux champignons
lorsque les prévisions météorologiques annoncent
des conditions qui ne permettront pas aux insectes d'avoir recours
à la fièvre comportementale. L'autre solution consiste
à sélectionner des souches de champignons capables
de résister à des températures élevées."
|