5 décembre 2002 |
Les premières étudiantes du programme d'orthophonie de l'Université seront confrontées à un problème intéressant lorsqu'elles obtiendront leur diplôme à l'été 2003. Elles risquent de recevoir, en moyenne, quatre offres d'emploi chacune! C'est ce que leurs consoeurs de Montréal et d'Ottawa ont vécu au cours des dernières années et rien ne laisse croire que la situation pourrait être différente ici, avance le professeur André Courcy. "Déjà, l'été dernier, toutes nos étudiantes ont eu des emplois en orthophonie, dit-il. Les futurs employeurs leur offrent même des bourses d'études si elles s'engagent à venir travailler chez eux après leurs études."
Pénurie criante
"Il y une pénurie épouvantable d'orthophonistes
au Québec, explique Conrad Ouellon, directeur du programme
d'orthophonie. Il y aurait plus de 3 500 enfants sur les listes
d'attente, ce qui signifie que ça prend de six mois à
un an pour avoir un premier rendez-vous. Ce délai est déplorable
parce que les enfants peuvent connaître des problèmes
d'apprentissage et de comportement entre temps."
Cette pénurie de spécialistes a forcé la
mise sur pied, en quatrième vitesse, d'un programme d'orthophonie
à l'Université. Les tentatives antérieures
pour créer un programme dans ce domaine avaient fait chou
blanc à deux reprises. "Un premier essai a avorté
à la fin des années 1960, et l'autre, plus sérieux,
a été abandonné en 1995, parce qu'une étude
du gouvernement avait conclu que la pénurie allait se résorber
d'elle-même avant l'an 2000!", rappelle Conrad Ouellon.
La troisième tentative, initiée en 1999 à
la demande pressante de l'Ordre des orthophonistes et des audiologistes
du Québec (OOAQ) et du milieu de la santé et des
services sociaux, a été la bonne. Le programme de
maîtrise en orthophonie, rattaché au Département
de réadaptation de la Faculté de médecine,
a accueilli ses premières étudiantes à l'automne
2001.
Pour l'Est du Québec
Ce n'est pas par souci de rédaction non sexiste qu'il
est question d'étudiantes en orthophonie. Les 21 personnes
admises en 2001 et les 25 autres qui les ont suivies en 2002 sont
toutes des femmes. "C'est le propre des programmes où
les relations d'aide sont importantes, constate Conrad Ouellon.
Le programme est contingenté à 25 places et nous
recevons une centaine de demandes d'admission par année.
La grande majorité provient de femmes et elles ont de meilleures
notes que les gars. La plupart sont diplômées en
sciences de l'éducation, en psychologie ou en service social,
mais nous considérons aussi les candidats d'autres programmes
qui ont suivi les cours préalables et qui ont une expérience
en relation d'aide."
Il n'existe que trois programmes francophones d'orthophonie en
Amérique du Nord. "Nous nous distinguons de ceux de
Montréal et d'Ottawa sur deux plans, affirme Conrad Ouellon.
D'abord, nous formons des orthophonistes en fonction des besoins
de l'Est du Québec. Elles doivent faire preuve de polyvalence
et d'autonomie, de façon à pouvoir occuper un emploi
dans divers milieux et en régions éloignées.
Ensuite, leur formation repose en bonne partie sur l'enseignement
clinique dispensé par des professionnelles. Le programme
comprend 610 heures de stages, dont un internat de trois mois.
Les quatre professeurs du programme, François Bergeron,
André Courcy, Joël Macoir et Audette Sylvestre, abattent
un travail phénoménal. En plus de leurs tâches
d'enseignement, ils mènent aussi des projets de recherche.
Je les ai prévenus qu'ils n'avaient pas le droit de tomber
malade."
La langue d'ici
Les nouvelles orthophonistes sont attendues avec impatience
par les milieux scolaires, les CLSC et les centres de réadaptation
de l'Est du Québec. "Il n'y a pas que les enfants
qui profiteront de leurs services, note le directeur du programme.
De plus en plus d'adultes victimes d'accidents cérébrovasculaires
ou de traumatismes crâniens ont recours à une orthophoniste
pour recouvrer l'usage normal de la parole. C'est une question
de qualité de vie." L'OOAQ estime que 4 000 nouveaux
cas d'aphasie - une difficulté majeure à comprendre,
à s'exprimer et à lire qui survient à la
suite d'une atteinte au cerveau - s'ajoutent chaque année
au Québec.
En 2001, une trentaine d'orthophonistes belges, appelées
à la rescousse, avaient accepté de venir exercer
temporairement au Québec pour combler une partie des besoins
en orthophonie. "Je ne suis pas de ceux qui croient que la
solution à la pénurie d'orthophonistes va venir
d'Europe, déclare Conrad Ouellon. Le langage, la prononciation,
les accents, tout cela comporte une très grande dimension
culturelle qui fait que la solution ne peut venir que d'ici."
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