5 décembre 2002 |
Parmi les services offerts dans le site Web de l'Association
de science créationniste du Québec, se trouve, sous
la rubrique "Conférences et cours personnalisés",
- tout juste après l'audiovisuel qui établit l'âge
de la Terre à moins de 10 000 ans - une formation intitulée
"Comment débattre avec un évolutionniste et
ne JAMAIS perdre". Curieusement, on pourrait croire que Cyrille
Barrette, professeur du Département de biologie et évolutionniste
convaincu, a déjà suivi cette formation tant il
savait à l'avance comment le président de cette
association, Lawrence Tisdall, allait abattre ses cartes lors
du débat qui les opposait le 26 novembre sur le campus.
"Les créationnistes scientifiques ne répondent
jamais aux questions qu'on leur pose. Ils soulèvent plutôt
les questions pour lesquelles la science n'a pas encore trouvé
réponse. Comme je ne pourrai répondre à toutes
ses questions, Lawrence Tisdall va conclure que l'évolution
est un mensonge et que la création est la vérité",
a résumé Cyrille Barrette, en ouverture du débat.
Trois heures plus tard, les quelque 450 personnes qui s'entassaient
dans l'amphithéâtre 1-C du pavillon Charles - De
Koninck et dans la salle voisine, où le débat était
retransmis sur écran télé, n'ont pu que constater
que la prophétie s'était réalisée.
Malgré ses appels répétés, l'évolutionniste
n'a pas réussi à obtenir réponse aux quatre
questions qu'il avait soumises à Lawrence Tisdall pour
le forcer à expliquer ce qu'il peut bien y avoir de scientifique
dans le créationnisme. "À mes yeux, dit le
professeur, l'expression créationnisme scientifique
est l'oxymoron par excellence" (note: l'oxymoron n'est pas
une variante de l'insulte de l'heure, mais bien une figure de
style qui consiste à réunir deux mots dont le sens
est apparemment contradictoire).
Ma foi, ta foi
En guise de réponse, Lawrence Tisdall a choisi, dans
son inépuisable collection d'acétates électroniques,
des citations provenant de réputés scientifiques.
Tout comme lors du débat de février 1999, il utilise
ces citations, qui mettent en exergue certains points litigieux
entourant la théorie de l'évolution, pour en questionner
la véracité. "Il y a beaucoup de créationnistes
qui sont scientifiques, a-t-il fait valoir. En fait, je crois
que nous sommes plus scientifiques que les évolutionnistes."
Parmi les nombreux scientifiques qu'il cite se trouve... Cyrille
Barrette! "Le recours aux citations hors contexte est l'une
de ses tactiques les plus épuisantes, avoue le professeur.
C'est tordu, mensonger, frustrant et démoralisant. Il a
un schème de pensée qui rejette tout ce qui menace
ses convictions. En fait, je ne peux pas croire qu'il croit tout
ce qu'il dit."
Détenteur d'une maîtrise en sciences de l'Université
McGill, Lawrence Tisdall se réclame à la fois de
la science et de la foi. "Pour moi, la science relève
des choses observables avec nos cinq sens. La question des origines
de la vie n'est pas l'affaire de la science parce que personne
n'était là pour observer quand la première
cellule est apparue. Par contre, quand je vois un poème,
je sais qu'il y a un poète derrière. Quand je vois
un programme informatique, je sais qu'il y a un programmeur derrière.
Quand je vois l'infinie complexité d'une cellule vivante,
je sais qu'il y a forcément l'intelligence du Créateur
derrière. On nous accuse de faire une lecture littérale
de la Bible, mais l'évolution est une religion séculière,
un choix, au même titre que le christianisme."
Mission
Le débat, présenté à l'initiative
du groupe Campus pour Christ, a atteint ses buts, estime l'un
des organisateurs, Paul Malicki, parce que chacun a été
confronté à la vérité de l'autre.
Le sondage réalisé par le groupe après le
débat révèle un partage quasi égal
des voix quant au conférencier le plus convaincant. En
fait, considérant l'écart qui sépare les
deux options et l'absence de véritables échanges
directs entre les deux débatteurs, il y a fort à
parier que personne n'a changé de camp en cours de soirée.
Restent les indécis...
Contacté au lendemain du débat, Cyrille Barrette
affirme qu'il accepterait malgré tout de participer à
un autre débat avec Lawrence Tisdall, même si l'exercice
est frustrant et même s'il se sentait "en cendres sur
le plan intellectuel" lorsqu'il a quitté la salle
à 23 h 30. "Si on reste dans nos bureaux d'universitaires,
si on n'accepte pas de confronter l'argumentation de groupes comme
les raéliens ou les créationnistes scientifiques,
ils en profitent pour manipuler les gens mal informés.
Pour les créationnistes, l'évolution est l'invention
de Satan, la source de tous les maux de la société,
l'ennemi à abattre. Je me sentirais moins bien si je leur
laissais le champ libre."
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