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28 novembre 2002 ![]() |
"Le conflit tchétchène est une guerre coloniale
du type de celle que la France a menée en Algérie
et où l'on utilise de part et d'autre des méthodes
terroristes, affirme Arkadi Tcherkassov, géographe et chercheur
sénior de l'Institut USA/Canada à l'Académie
des sciences de Russie. Récemment, un commando tchétchène
a pris des gens en otages dans un théâtre de Moscou.
En Tchétchénie, des soldats russes attaquent de
paisibles villages pour soi-disant faire du "nettoyage"."
Le mercredi 20 novembre, au pavillon Charles-De Koninck, Arkadi
Tcherkassov a prononcé une conférence intitulée
"Tchétchénie: terrorisme ou sécession?".
Cette activité était organisée conjointement
par l'Institut québécois des hautes études
internationales et le CELAT (Centre interuniversitaire d'études
sur les lettres, les arts et les traditions). Pacifiste et internationaliste,
croyant en l'innocence présumée des Tchétchènes,
un peuple musulman d'un million d'individus intransigeants et
fiers, le conférencier dit qu'il existe de part et d'autre
dans ce conflit des gens qui ont intérêt à
faire perdurer les choses. "La Russie consacre beaucoup d'argent
à sa présence militaire en Tchétchénie,
explique-t-il, et des généraux et des bureaucrates
voient cette région comme une source d'enrichissement.
Par ailleurs en Tchétchénie, des partisans ne veulent
pas que cesse le flot d'aide financière et militaire (explosifs,
munitions, etc.) en provenance de pays musulmans amis."
Un nid de brigands
Peuple ancien du Caucase du Nord, les Tchétchènes
vivent pendant des siècles sous une démocratie militaire,
sans serfs ni esclaves, où la vendetta est très
répandue et où le vol est considéré
comme une valeur. Brigands par tradition, ils pratiquent longtemps
la prise d'otages chez leurs voisins, otages qu'ils leur revendent
contre de l'argent. À la fin du 18e siècle, les
Tchétchènes se soumettent aux Russes. En 1817, la
Russie déclenche la Grande Guerre du Caucase dans le but
d'agrandir son territoire. Pour les Tchétchènes,
ce long conflit prend des airs de génocide avec la destruction
de nombreux villages. En 1921, sous le régime soviétique,
le territoire tchétchène est incorporé à
la République des montagnards du Caucase du Nord. Durant
la Seconde Guerre mondiale, la population tchétchène
est l'objet de déportements massifs. "La position
officielle était que les Tchétchènes étaient
du côté de Hitler, ce qui est faux, indique Arkadi
Tcherkassov. En vérité, Staline ne voulait pas d'un
peuple indiscipliné et pro-démocratique dans cette
région." Après la mort de Staline, survenue
en 1956, les déportés reçoivent la permission
de rentrer chez eux.
Une révolution, puis deux guerres
En 1991, une révolution renverse le régime communiste
de Russie et instaure la démocratie. De cette époque
date la proclamation d'indépendance totale de la Tchétchénie.
L'actuelle Fédération de Russie regroupe une vingtaine
de républiques possédant un niveau variable de souveraineté.
La première guerre en Tchétchénie commence
à l'hiver 1994. L'intervention militaire russe vise, selon
la terminologie officielle, "le rétablissement de
l'ordre constitutionnel". La majeure partie du pays est occupée
militairement et la capitale Groznyï est presque détruite
par les bombardements. En 1996, la paix est signée et les
Tchétchènes obtiennent une autonomie régionale.
La paix va durer trois ans. Mais une série d'actes terroristes
perpétrés à Moscou va repartir le bal. Arkadi
Tcherkassov rejette la responsabilité de ces gestes sur
le "parti de la guerre" russe. "Les Tchétchènes,
dit-il, n'avaient aucun profit à faire exploser des immeubles
à Moscou. Je suis absolument sûr que cela a été
organisé par les généraux, les gens du KGB
et les services spéciaux intéressés par une
reprise de la guerre. Ce conflit est officiellement appelé
"l'opération antiterroriste". Or, c'est une vraie
guerre, elle est coloniale et elle ne vise pas le pillage de la
Tchétchénie parce qu'on y trouve seulement un peu
de pétrole."
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