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14 novembre 2002 ![]() |
"Que faisons-nous ici? Voilà ce qu'il faut se demander.
Nous avons la chance de savoir. Oui, dans cette immense confusion
une chose est claire: nous attendons que Godot vienne!" À
lui seul, cet extrait d'une réplique dite par Vladimir,
un des personnages d'En attendant Godot résume le
propos de la pièce de Samuel Beckett. Les Treize
la jouent dans quelques jours pour l'actualité de son propos
sur la vacuité et l'absurdité de la vie. Cinquante
ans après la première de cette pièce phare
du théâtre moderne, l'humanité continue à
naître et à mourir sans obtenir davantage de réponses
aux questions existentielles qu'elle se pose.
Sur un plateau de théâtre très dépouillé,
Vladimir et Estragon soliloquent. Ces deux vieillards malades
et décrépits attendent un certain Godot, et discutent
pour passer le temps en ponctuant leur attente de petits galops.
De temps en temps, un couple disparate, Pozzo et Lucky, traverse
l'espace, l'un tenant en laisse l'autre chargé de lourdes
valises remplies de sable. Un acte plus tard, la même inaction
se reproduit à quelques variantes près, sans que
le spectateur sache si l'histoire progresse ou non. "La pièce
évolue par boucles, note Raymond Poirier, on revient toujours
finalement au point où on était il y a quelque temps.
Les mêmes groupes de mots se répètent à
intervalles réguliers.À tel point que nous-même,
en jouant, perdons nos repères!"
L'approche spirituelle
Le metteur en scène, Michel-Marc Nadeau, précise
que c'est ce vide, ce rien qui l'a séduit dans la pièce.
Selon lui, le propos du dramaturge traduit bien une vérité
éternelle, le temps n'a aucune importance car dès
la naissance on commence déjà à mourir. "On
vit constamment dans l'attente de quelque chose de meilleur, génération
après génération, mais il n'y a rien, il
n'y pas de fin. Finalement, on ne fait qu'attendre", renchérit
Laurent Maheux un autre des comédiens. Cependant, si En
attendant Godot traduit en mots le vide intersidéral
de la destinée humaine, la pièce s'avère
riche en symboles multiples que la troupe Les Treize a pris un
malin plaisir à déchiffrer. À travers les
interprétations sociologiques, psychanalytiques, anthropologiques,
qui abondent sur le millier de sites répertoriés
sur Internet consacrés à cette pièce, ses
membres ont privilégié l'approche religieuse.
À leurs yeux, Godot est Dieu et les personnages qui l'attendent
espèrent une rédemption. Selon le metteur en scène,
les indications contenues dans le texte vont dans ce sens. "À
un certain moment, Pozzo s'appuie sur les épaules de Vladimir
et d'Estragon, et cette image rappelle parfaitement celle du Christ
en croix encadré par les larrons, note Michel-Marc Nadeau.
D'autant plus que dans le premier acte, on évoque déjà
les larrons." Un autre indicateur, à leurs yeux, de
la dimension religieuse de la pièce repose sur les propos
de Lucky, l'esclave, dont le long monologue à priori délirant
se révèle la pensée la plus lucide de la
pièce. "Il s'en prend à un Dieu aphasique et
apathique, indique Rouslan Cats, son interprète. Je pense
que cela signifie que Godot n'existe pas et que notre rédemption
passe par nous-même."
Interrogés sur leur plaisir à monter une pièce
aussi noire, carburant à la misère humaine, les
trois acteurs et leur metteur en scène expliquent qu'ils
veulent susciter une réflexion chez les spectateurs. Les
amener à prendre un temps d'arrêt pour s'interroger
sur ce qu'ils ont vu. "Si personne n'applaudit à la
fin de la pièce le soir du spectacle, on aura réussi",
conclut Laurent Maheux.
La pièce En attendant Godot sera présentée
les 22, 23 et 24 novembre, à 20 h, à l'Amphithéâtre
Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins. Billets en
prévente au coût de 8 $ au Bureau des activités
socio-culturelles, local 2344, pavillon Alphonse-Desjardins. Prix
à l'entrée: 10 $.
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