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7 novembre 2002 ![]() |
À priori, la question soulevée lors du débat
de la série Participe présent, "Fautil
fermer les régions du Québec?", n'a rien d'un
thème humoristique. Pourtant, à plusieurs reprises,
l'assistance record qui assistait lundi soir à cette rencontre
dans l'agora du Musée de la civilisation, riait souvent
à gorge déployée des bons mots des conférenciers.
Tour à tour, Jacques Proulx, le président de Solidarité
rurale, le chanteur Richard Desjardins, ou Marie-Ève Proulx,
coordonnatrice de forums régionaux, ont malmené
les "vieux croûtons" de la politique municipale,
les technocrates sans vision et les compagnies pilleuses de ressources.
Jusqu'à l'économiste Mario Polèse, de l'INRS-Urbanisation
culture et société, qui a mis de côté
le langage universitaire pour se lancer dans le débat.
C'est peut-être Jacques Proulx qui a le mieux cerné
le problème que vivent les régions en constant déclin
démographique. Il a souligné que pour la première
fois de l'histoire de l'humanité, les villes ne dépendent
plus des campagnes pour se nourrir, ni s'approvisionner. À
l'instar d'un couple où l'homme n'assume plus les responsabilités
de pourvoyeur, les deux entités doivent donc redéfinir
leurs rôles respectifs. "Nous sommes condamnés
à innover, affirme-t-il. La nouvelle économie rurale
et les entreprises doivent être flexibles, polyvalentes
et participatives." Il mise beaucoup sur la culture pour
revitaliser des régions où regorge le savoir-faire
d'artisans. L'ancien président de l'UPA rejette le mode
de développement industriel car les régions ne profitent
d'aucune retombée de ces entreprises contrôlées
par une poignée de dirigeants.
Des arguments qui rejoignent ceux de Richard Desjardins, tout
prêt, lui aussi, à condamner les coupeurs de forêt
venus du Sud. "Il y a des jours où je feelerais
militaire", clame-t-il en dénonçant la construction,
par l'entreprise Norbord, d'un chemin forestier se rendant au
cur d'un des derniers refuges sauvages de l'Abitibi. Le poète
rappelle que les régions forestières ou minières
jouent le rôle de colonies pour des compagnies installées
à Toronto ou ailleurs, qui pillent les ressources au Québec
de la même façon qu'elles ont pu le faire en Amérique
du Sud. Pour lui, une partie de la solution passe peut-être
par les redevances, comme les Cris ont pu l'obtenir par la convention
de la Baie James et alors que d'autres nations s'apprêtent
à en percevoir grâce à l'entente la Paix des
braves.
Taxage national?
En citant les chiffres publiés par une étude
universitaire, Richard Desjardins soutient par ailleurs que les
régions périphériques paient davantage de
taxes au gouvernement provincial que ce qu'elles obtiennent de
services. Des données que confirme Mario Polèse,
qui indique que si les régions recevaient des services
équivalents au montant des taxes perçues, la région
de Québec serait déficitaire. "Je suis en faveur
d'une décentralisation des services de l'État, affirme-t-il
car tout est trop centralisé au Québec". Selon
lui, il faut établir des règles claires et honnêtes
pour indiquer à quels services une communauté a
droit, et laisser ensuite les gens décider où ils
veulent s'établir.
Marie-Ève Proulx, qui milite pour une place accrue des
jeunes dans les instances décisionnelles, réclame
aussi de son côté un plus grand pouvoir régional,
mais, surtout, elle plaide en faveur de liens plus formels entre
les entreprises, les citoyens, et les municipalités d'un
coin de pays. Un réseau de contacts et un espace de discussion
commun constituent, à ses yeux, des outils indispensables
pour que les régions sortent de leur marasme. Elle souligne
également que les habitants ont parfois une piètre
image de leur propre région. Un constat effectué
aussi par une animatrice d'Opération Gaspésie-Laval,
qui participait à la discussion publique. À l'entendre,
les médias donnent trop souvent une image négative
des régions, ou les ignorent. Reste à savoir si
ruraux et citadins pourront enfin nouer le dialogue lors du Sommet
des régions organisé par le gouvernement du Québec
dans quelques jours. Malheureusement plusieurs spectateurs ont
souligné que cette rencontre, dont les conférenciers
n'attendaient pas grand chose, se déroulait à Québec
et non en région.
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