7 novembre 2002 |
Dans la province de Saskatchewan, la jeunesse représente
toujours une longue période préparatoire à
la vie adulte, mais elle n'a plus la même signification
qu'autrefois, en ce sens qu'elle n'a plus pour finalité
le mariage. De nos jours, cette période est ponctuée
d'étapes importantes comme le fait d'atteindre l'âge
de seize ans pour pouvoir demander son permis de conduire, de
terminer avec succès ses études secondaires avant
de se diriger vers l'université, et de se marier seulement
si l'un et l'autre se sentent prêts.
Ces observations sont tirées d'interviews récentes
réalisées par Anne-Marie Desdouits, professeure
d'ethnologie au Département d'histoire, auprès d'une
douzaine d'étudiantes et d'étudiants inscrits en
sciences de l'éducation à l'Université de
Régina, en Saskatchewan. "Ce qui ressort tout d'abord
des entretiens, explique-t-elle, c'est que, pour tous, être
adulte c'est se sentir, et être reconnu, responsable de
gérer sa propre vie sur tous les plans: financier, sexuel,
professionnel, etc. Pour eux, la jeunesse constitue une longue
préparation dont le but final est l'autonomie. Même
le mariage ne représente plus pour eux qu'une étape."
Anne-Marie Desdouits a livré ces commentaires le mercredi
23 octobre au pavillon Charles-De Koninck dans le cadre des midis-causeries
du CELAT (Centre interuniversitaire d'études sur les lettres,
les arts et les traditions). Son enquête constituait le
point de départ d'une recherche pour un réexamen
des rites de passage dans la société contemporaine.
Le premier pas vers l'indépendance
En Saskatchewan, le tout premier pas vers la vie adulte est
d'avoir seize ans. Atteindre cet âge signifie que l'on peut
demander son permis de conduire. Selon Anne-Marie Desdouits, savoir
conduire n'est pas ce qui importe vraiment, surtout que de nombreux
jeunes savent déjà conduire, en particulier ceux
qui viennent de familles rurales. "Ce qui est important,
dit-elle, c'est ce que représente le permis, c'est l'autorisation
légale de conduire une voiture et donc la possibilité
de revendiquer une certaine indépendance par rapport aux
parents."
La graduation constitue, pour les étudiants interviewés,
une cérémonie solennelle comportant un certain nombre
de rites qui ne sont pas sans rappeler ceux du mariage. La préparation
de l'événement s'étend sur plusieurs mois,
on recommande d'être en couple et de porter robe longue
et tuxedo. De nombreux cadeaux sont offerts. Pour la chercheure,
il s'agit bien d'une cérémonie de passage. "Ils
changent de statut, c'est évident et c'est important pour
eux et pour leur famille, dit-elle. J'ai d'ailleurs été
frappée, chez les grands-parents des familles où
je suis allée, de voir encadrées et accrochées
aux murs du salon toutes les photos de chacun des petits-enfants
qui avaient gradué. Tout comme on voit les photos de mariage."
Cela dit, une bonne partie des interviewés ne se sentaient
pas prêts à faire le saut à l'université
après la graduation. Plusieurs ont étiré
la période de transition, certains quittant la maison familiale
pour travailler, d'autres partant en stage à l'étranger.
Selon Anne-Marie Desdouits, l'autonomie, autrefois liée
au mariage, les a changés. "C'est cela pour eux le
passage au statut d'adulte, explique-t-elle, et il se fait progressivement
à des moments et dans des circonstances qui sont de l'ordre
de l'individuel et non du collectif, de l'informel et du non institutionnel."
Une vision traditionnelle
Tous les étudiants interviewés envisagent le
mariage et avoir des enfants. Mais avant, il faut terminer ses
études, trouver un emploi et se fiancer. Et pas question
de vie commune avant d'être marié. " Même
s'il ne représente plus ce qu'il était, le mariage
est perçu comme un élément de stabilité
du point de vue de la famille, indique la chercheure. Il marque
le passage à de nouvelles responsabilités qui cette
fois sont prises à deux."
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