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7 novembre 2002 ![]() |
Après 14 années d'essais et d'erreurs, Jacques
Tremblay touche presque au but. Le traitement qu'il a patiemment
mis au point pour la dystrophie musculaire de Duchenne fait maintenant
l'objet d'une étude clinique sur 10 patients. "Je
n'ai jamais douté que nous étions sur la bonne voie.
D'autres l'ont fait, mais pas moi", lance le professeur de
la Faculté de médecine. L'étude en cours
depuis quelques semaines consiste à introduire, dans les
muscles de personnes atteintes par cette maladie, des cellules
musculaires normales (myoblastes) capables de produire de la dystrophine,
la protéine dont l'absence est à la source de tous
leurs maux.
Les myoblastes injectés aux patients proviennent d'un proche
parent bien portant, question de réduire les risques de
rejet. Ils sont prélevés par simple biopsie, puis
multipliés en laboratoire, dans la salle blanche dont vient
de se doter le Centre de recherche du CHUL. Cette installation,
construite grâce à des investissements totalisant
300 000 $ en provenance de CellGène, de SOVAR et du Centre
de recherche du CHUL, est la première au pays à
répondre aux critères de Santé Canada en
matière de prolifération de cellules destinées
à la transplantation chez des êtres humains. Finalement,
les myoblastes produits dans la salle blanche sont transplantés
par injection dans les muscles des malades, à qui les médecins
ont préalablement administré un puissant immunosuppresseur.
Les chercheurs espèrent que les myoblastes greffés
se fusionneront aux cellules musculaires des patients, de façon
à leur conférer la capacité de produire de
la dystrophine. La procédure a donné de bons résultats
chez les souris: après greffe, plus de 90 % de leurs fibres
musculaires produisent la protéine manquante.
Lueur d'espoir
Les attentes à l'endroit de ce traitement sont grandes,
tant chez les patients que chez les chercheurs, puisque cette
maladie est présentement incurable. Pour l'instant, les
personnes atteintes s'en remettent à la réadaptation
et à certaines interventions chirurgicales pour augmenter
leur potentiel de mouvement, compenser leur handicap et améliorer
leur qualité de vie.
La dystrophie musculaire de Duchenne est une maladie héréditaire
qui frappe un garçon sur 3 500. Elle cause un affaiblissement
progressif et une dégénérescence musculaire,
dont les premières manifestations surviennent vers l'âge
de deux à cinq ans. Vers l'âge de 12 ans, les personnes
atteintes sont confinées à une chaise roulante.
La maladie s'attaque ensuite aux autres muscles, notamment aux
muscles respiratoires, ce qui compromet l'espérance de
vie. La plupart des malades meurent avant leur 25e anniversaire
de naissance.
Si les tests en cours révèlent que les cellules
greffées parviennent à produire de la dystrophine,
les chercheurs envisagent d'avoir recours à la greffe massive
de myoblastes pour augmenter la force musculaire des patients.
"Nous ne prétendons pas que c'est la solution définitive,
mais ça permettrait aux personnes atteintes de maintenir
leur autonomie", souligne Jacques Tremblay.
À plus long terme, le chercheur envisage d'utiliser la
transplantation de cellules musculaires pour traiter les problèmes
d'insuffisance cardiaque. "La greffe de myoblastes provenant
de muscles squelettiques (le biceps par exemple) peut redonner
une activité contractile à des régions mortes
du coeur", avance-t-il. Chercheur actif dans le Réseau
de centres d'excellence sur les cellules souches, le professeur
Tremblay fonde de grands espoirs sur cette filière. "Je
crois que nous nous dirigeons vers une époque où
la transplantation de cellules va progressivement remplacer la
transplantation d'organes", prédit-il.
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