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31 octobre 2002 ![]() |
Fondée la même année que l'Université,
en 1852, la Faculté de théologie en fut initialement
le centre idéologique, à la mesure du rôle
de la religion dans la société québécoise.
Cent cinquante ans plus tard, les héritiers de cette institution
peuvent, à la croisée de deux époques, exercer
un bilan. Ce que des spécialistes de l'histoire et de la
religion viennent d'effectuer, avec De l'harmonie tranquille
au pluralisme consenti, une histoire de la Faculté de théologie
et des sciences religieuses de l'Université Laval 1852-2002,
ouvrage dirigé par les historiens Brigitte Caulier et Nive
Voisine, ainsi que par le théologien Raymond Brodeur. Tous
trois professeurs et responsables du Groupe de recherche sur l'histoire
de l'enseignement religieux au Québec, ces derniers ont
été épaulés par les professeurs Jean-Paul
Rouleau, Gilles Routhier et Jacques Racine. Il en résulte
un panorama non dénué de subjectivité, ce
qui, dans ce cas, est rien de moins qu'une qualité supplémentaire.
Lancé au Salon des prêtres du Séminaire de
Québec vendredi dernier, ce livre s'inscrit dans les publications
de la collection "Religions, cultures et sociétés"
des Presses de l'Université Laval. De cette collection,
il est dit qu'elle "fait connaître à un large
public des ouvrages qui interprètent globalement les faits
religieux en les resituant dans leurs réalités socioculturelles".
Mission évidente ici, car la forme empruntée s'éloigne
de l'historique linéaire, avec une série de sept
analyses distinctes constituant autant de chapitres.
Dans chacune de ces subdivisions, les auteurs traversent la période
de 1852 à nos jours selon un angle qui complète
les six autres. Dans le premier chapitre, c'est la structure même
de l'entité qui est décrite, à partir de
son émergence au sein d'une tradition d'enseignement religieux
déjà vieille de deux siècles. On découvre
alors comment la simplicité structurelle et idéologique
de base devient l'assise d'une organisation complexe.
Les chapitres II et III portent quant à eux sur le facteur
humain. Vers 1960, les classes enseignante et étudiante
entrent en mutation. D'homogènes que ces groupes étaient
(prêtres, séminaristes, scolastiques, tous masculins),
ils se diversifient, incluant peu à peu les religieuses
et des laïcs des deux sexes. Le chapitre suivant analyse
l'objet de l'enseignement (la théologie, bien sûr)
en faisant ressortir à quel point le jugement critique
peut avoir gagné du terrain par rapport au culte de l'autorité.
Dans la cinquième partie, c'est le secteur de la recherche
qui est scruté. On y apprend que la toute fin des années
1950 correspond à l'apparition de la sociologie religieuse
à la Faculté, rencontre disciplinaire dont on peut
encore mesurer la portée. Au chapitre VI, on explore les
relations entre le clergé et l'école, qui ne peuvent
être envisagées à sens unique puisque la Faculté
forme ceux-là mêmes qui se retrouvent en position
de pouvoir, non seulement les évêques, mais les cadres
et les conseillers. Enfin, le dernier chapitre étudie l'influence
de la Faculté sur la société québécoise,
à travers l'étude des discours et le portrait de
personnages importants du paysage intellectuel.
Doyen actuel de la Faculté de théologie et de sciences
religieuses, lui-même à l'origine du projet, Marc
Pelchat souligne dans sa préface combien cette oeuvre de
mémoire se veut prospective, éclairant la situation
actuelle et les enjeux à affronter: "Parce qu'ils
paraissent précisément "inutiles" ou "inefficaces"
par rapport aux enjeux de la mondialisation, écrit-il,
les activités d'enseignement et les travaux de recherche
dans le domaine des religions, du religieux, de la spiritualité
et de la mystique, des quêtes de sens et des croyances,
revendiquent leur apport original, indispensable, aux côtés
de ceux des sociologues et des historiens, des philosophes et
des anthropologues [...]"
Disposant désormais d'un regard lucide sur son propre passé,
la Faculté de théologie et de sciences religieuses
peut offrir à ses futurs acteurs une perspective d'ouverture
indispensable à sa pérennité, augmentant
par là les occasions de renouvellement.
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