![]() |
31 octobre 2002 ![]() |
La "marchandisation", l'exclusion et la "loupéfaction"
de l'humain, l'uniformisation du monde, l'absolutisme du pouvoir,
de même que la confiscation de la nature et de ses ressources
constituent autant de formes de violence ayant émergé
de la mondialisation, estime Jacques Racine, professeur à
la Faculté de théologie et de sciences religieuses,
qui prononcait, le 24 octobre au pavillon La Laurentienne, le
discours d'ouverture du 39e Congrès de la Société
canadienne de théologie. Cette rencontre avait pour thème:
"Violence, mondialisation et religion".
Jacques Racine rappelle que le mot "violence" vient
du latin vis qui signifie violence, mais également
force, vigueur, puissance. Selon lui, nous sommes obligés
d'imposer une limite à cette force vitale qui nous permet
d'agir. "La force qui est en nous, si elle n'est pas balisée,
conduit à une violence destructrice de l'autre et de soi,
explique-t-il. C'est qu'il existe toujours cette tendance binaire
de dire que l'autre s'efface, qu'il devienne un peu mon serviteur,
mon avoir, ma possession." Dans la Bible, cette dynamique
de la possession s'observe très tôt. Ainsi, Ève
ne dit pas avoir eu un enfant avec Adam, mais bien qu'elle a "acquis
un homme de par Yahvé". "Elle s'est acquis pour
elle l'objet de sa convoitise, souligne le conférencier.
L'autre, dans sa singularité, disparaît. Il devient
son bien, il est pensé par rapport à elle."
À cette attitude où l'autre s'efface devant celui
qui dit posséder la vérité, Jacques Racine
oppose une pensée tertiaire, qui tient compte de l'autre.
"Sur le plan théologique chez les chrétiens,
dit-il, Dieu n'invite pas à la puissance illimitée.
Il a lui-même accepté de se limiter en Jésus-Christ
en devenant Homme. Il nous dit: "Tu te limites parce que
ce que j'attends de toi est la façon dont tu traites les
autres"."
L'homme est un loup pour l'homme
La mondialisation se caractérise par une absence de
règles et par une compétitivité sans limites.
Dans cette jungle où dominent la loi du marché et
la recherche du profit, où l'humain est réduit à
un avoir, une ressource, une marchandise, même le gagnant
y perd. "Celui qui exerce la violence se détruit,
se déshumanise, soutient Jacques Racine. Il détruit
le faible, mais il se sort lui-même de la communauté
soucieuse de solidarité, de réciprocité,
de justice et d'amitié."
Pour certains, la mondialisation porte en elle des promesses d'universalité
et de fraternité qui viendraient s'opposer aux replis identitaires
ayant causé de multiples violences dans le passé.
Le conférencier croit plutôt que ce phénomène
vise l'homogénéisation et agit comme un rouleau
compresseur sur les cultures et les institutions en cherchant
à réduire à leur seule valeur d'échange
les dimensions de la vie en société. Pour illustrer
son propos, il met en opposition le mythe de la tour de Babel,
qui symbolise une manière de vivre unique, et la Pentecôte,
qui a permis aux apôtres de comprendre et d'être compris
de personnes ne parlant pas leur langue.
Jacques Racine met en garde contre la tendance, chez ceux qui
font la promotion de la mondialisation, d'une remise en cause
d'acquis ayant pour but d'empêcher les abus de pouvoir.
Il s'insurge par ailleurs contre l'exacerbation, dans le contexte
de la mondialisation, de la violence contre la nature. Selon lui,
on constate depuis quelques années une accélération
rapide de la détérioration d'indicateurs comme la
baisse des réserves d'eau potable, des poissons et des
grandes forêts. "Nous sommes très loin, affirme-t-il,
d'une compréhension de la Création dont l'homme
a la responsabilité, c'est-à-dire avec laquelle
il a une relation éthique."
![]() |