31 octobre 2002 |
Les laboratoires de Matrix Innovation ressemblent presque à
un atelier de fabrication de potions. Des liquides blanchâtres
bouillent pendant des heures dans des flacons cornus, d'autres
substances se font agiter de bas en haut par une machine infatigable.
Les deux dirigeants de l'entreprise, Simon Côté et
Rock Therrien, n'ont pourtant rien de mages inquiétants.
Le fruit de leur travail, produit en laboratoire, alimente l'industrie
pharmaceutique afin que les chimistes gagnent du temps pour la
découverte de nouveaux médicaments.
L'idée de Matrix Innovation a germé dans la tête
de Simon Côté, le vice-président recherche,
alors qu'étudiant à la maîtrise en chimie
à l'Université Laval il utilisait fréquemment
les résines dans son laboratoire de recherche, et cherchait
à améliorer leurs qualités. La technique
qu'il utilise pour chauffer et agiter les mélanges à
base de polystyrène n'a rien d'inédite. Par contre,
Matrix Innovation parvient à produire, selon ses dirigeants,
des billes de résine de qualité et de pureté
supérieure à ce que font la plupart de ses concurrents.
Ils ont également mis au point une nouvelle résine,
ChemMatrix, qui serait plus efficace et polyvalente par rapport
aux autres produits disponibles sur le marché.
Le facteur temps
L'industrie pharmaceutique se montre de plus en plus friande
de ces résines qui permettent d'améliorer le travail
des chimistes. En utilisant ces billes, ils peuvent accélérer
les étapes de réaction chimique, ce qui leur permet
de découvrir plus rapidement la molécule active
qui permettra de lancer un nouveau médicament sur le marché.
"Il faut savoir qu'en moyenne une seule molécule sur
10 000 est active et que la mise au point d'un nouveau médicament
prend environ dix ans, explique Simon Côté. L'utilisation
de résines permet de diminuer le temps de recherche de
deux à trois ans." Conscients du potentiel que recèle
un tel secteur de recherche, les associés de Matrix mettent
les bouchées doubles pour trouver des résines susceptibles
d'intéresser de futurs clients. Si, en février,
ils mettaient en marché 35 produits différents,
aujourd'hui ils en proposent une cinquantaine et envisagent d'en
vendre une soixantaine d'ici l'an prochain.
Les affaires roulent donc pour cette PME qui a démarré
ses activités en novembre 1999 dans les laboratoires du
Département de chimie de l'Université Laval. Aujourd'hui
installés dans des anciens locaux du Séminaire de
Saint-Augustin, les deux associés reconnaissent que les
débuts n'ont rien eu de facile, surtout sur le plan financier.
"Nous avons vécu "serré", reconnaît
Simon Côté, car au départ on payait tout avec
nos cartes de crédit et nos marges de crédit, et
les produits chimiques coûtent très cher."
Contrairement à d'autres entrepreneurs qui attendent de
disposer du financement nécessaire avant de démarrer
leurs activités, les jeunes loups de Matrix Innovation
ont tout mené de front. Impatients de voir sortir les résultats,
l'un travaillait sur ses mélanges au laboratoire, tandis
que l'autre planchait sur le plan d'affaires, les deux associés
entreprenant par ailleurs les négociations avec les gouvernements
fédéral et provincial, les cabinets de comptables,
d'avocats. "Entrepreneuriat Laval nous a bien aidés,
en particulier pour le plan d'affaires, précise Rock Therrien.
le président de Matrix, car le premier était vraiment
trop technique." Simon Côté renchérit
en précisant que les premières versions manquaient
cruellement de chiffres sur le rendement de la future entreprise,
justement la partie davantage prisée par les éventuels
investisseurs.
Grâce à Entrepreneuriat Laval, ils ont pu améliorer
leur approche des investisseurs en vulgarisant leurs propos, mais
surtout en rencontrant les interlocuteurs appropriés. En
effet, l'organisme leur a ouvert son carnet d'adresses et leur
apporté son aide aux différentes étapes de
développement. "Grâce à leurs conseils,
nous avons recommencé des dizaines de fois les états
financiers à présenter aux banquiers pour qu'ils
soient cohérents", se rappelle Simon Côté.
Avec l'aide d'Entrepreneuriat Laval, ils ont pu calculer les dépenses
à venir, prendre en compte les crédits d'impôts
La participation à différents concours a permis
à l'entreprise de recevoir un bon coup de projecteur puisqu'ils
ont notamment gagné le grand prix Canada relève
et innovation 2000 décerné par Développement
économique Canada, ainsi que le second prix national du
Concours québécois d'entrepreneurship dans la catégorie
"Science et technologie".
Trois ans après sa fondation, Matrix Innovation dispose
d'un budget de plusieurs centaines de milliers de dollars pour
mener à bien ses recherches, et payer ses neuf salariés,
dont les deux fondateurs, grâce à l'apport d'investisseurs
et du Centre national de recherche du Canada. Simon Côté
et Rock Therrien envisagent d'atteindre la rentabilité
d'ici deux ans et rêvent d'accroître encore le volume
de leur production. L'explosion dans le secteur pharmaceutique
leur donne confiance dans l'avenir.
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