3 octobre 2002 |
Si Léon Dion, Gérard Bergeron et Fernand Dumont,
des professeurs qui ont marqué et fait rayonner l'Université
Laval pendant plusieurs décennie, posaient aujourd'hui
leur candidature à la Faculté des sciences sociales,
seraient-ils embauchés? Guy Laforest, pour un, en doute.
Ce professeur au Département de science politique, comme
les deux autres conférenciers invités à débattre,
la semaine dernière, des politiques éducationnelles
du troisième millénaire, dans le cadre d'une chaire
publique organisée par l'Association des étudiants
et étudiantes de Laval inscrits aux études supérieures
(AÉLIES), dénonce la rigidité actuelle des
règles régissant l'embauche de professeurs à
l'Université Laval.
Selon Guy Laforest, l'Université a trop tendance à
se soumettre aux dictats élaborés dans les "contrats
de performance" ou par les organismes subventionnairse de
recherche. Ce faisant, celle-ci, qui devrait normalement se placer
au-dessus de la mêlée sans pour autant devenir une
tour d'ivoire, adopte une vision trop utilitaire dans ses politiques
de renouvellement du corps professoral. De son côté,
Martin Maltais, chercheur et étudiant au doctorat en administration
et évaluation en éducation - et candidat officiel
dans la présente course au rectorat - dénonce la
rigidité de l'Université face aux mutations de la
société. "On continue à gérer
la machine avec de vieux outils, affirme-t-il. En plus, la génération
précédente semble atteinte du syndrome d'immortalité."
La relève en arrache
Le débat a clairement fait ressortir les frustrations
des jeunes chercheurs face aux difficultés d'embauche à
l'Université. Martin Maltais et Nicolas Brisson, étudiant
à l'UQAC Québec et président de la Fédération
des étudiants universitaires du Québec (FEUQ), souhaitent
ainsi qu'on fasse davantage de place aux nouveaux venus. Ils appellent
de leurs vux la mise en place de mécanismes pour faciliter
la passation de pouvoirs, comme le tutorat. Grâce à
des programmes adaptés, les nouveaux retraités disposeraient
de plusieurs mois pour former un nouveau professeur et l'initier
progressivement à ses dossiers. Les conférenciers
invités à la Chaire publique de l'AELIÉS
ont en effet unanimement remis en cause la rigidité des
établissements universitaires, qui se privent d'un capital
de connaissances important en remerciant trop rapidement les retraités,
tout en réduisant les embauches.
Selon Martin Maltais, ce phénomène s'explique en
partie par la méconnaissance que les administrateurs ont
des besoins réels de l'Université. "La moitié
des membres du Conseil d'administration de l'Université
Laval viennent de l'extérieur, remarque-t-il. Ils en connaissent
peu de choses." À l'entendre, il devient pourtant
primordial d'expliquer les besoins en éducation aux bailleurs
de fonds, une responsabilité qui incombe directement à
l'Université. Les chiffres présentés par
Guy Laforest démontrent hors de tout doute l'urgence d'agir.
Si les dépenses en santé représentaient auparavant
20 % des dépenses du gouvernement du Québec, ce
secteur en accapare 40 % aujourd'hui. Une croissance qui s'exerce
sans doute aux dépens des investissements en éducation.
Ce qui fait dire à Nicolas Brisson que "la société
ne se prépare pas à l'avenir, mais à la retraite."
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