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26 septembre 2002 ![]() |
Au Québec, un athlète amateur sur quatre aurait
récemment eu recours à des produits dopants totalement
interdits ou soumis à des restrictions par le Comité
international olympique, dans le but d'améliorer ses performances
sportives. Cette alarmante statistique est tirée d'une
étude menée par Pierre Valois et Mélanie
Côté, de la Faculté des sciences de l'éducation,
et par leurs collègues André Buist et Claude Goulet,
du Secrétariat au loisir et au sport du gouvernement du
Québec. Rendue publique la semaine dernière, l'étude
fait état de l'ampleur de la culture du dopage qui prévaut
maintenant même au niveau du sport amateur. Le phénomène
"ne peut être pris à la légère
par les personnes concernées par le problème de
l'utilisation des drogues dans les sports", insistent les
auteurs de l'étude.
Les chercheurs ont mené l'enquête auprès de
3 573 jeunes athlètes, âgés de 10 à
20 ans, qui sont membres d'une équipe du Québec
ou qui pratiquent le sport dans des réseaux civil ou scolaire
relevant d'organismes reconnus par le Secrétariat au loisir
et au sport. "Ce sont des jeunes qui font partie de la relève
et qui ont un fort potentiel", résume Pierre Valois.
Une quarantaine de disciplines sportives faisaient l'objet de
l'enquête.
Près de 26 % des répondants ont reconnu avoir fait
usage, au moins une fois, dans les 12 mois qui ont précédé
l'enquête, de produits, substances ou méthodes totalement
interdits ou soumis à des restrictions par le Comité
international olympique, dans le but de mieux performer. "Il
s'agit probablement d'une sous-estimation de la réalité",
avance Pierre Valois. Les athlètes qui consomment des produits
dopants sont moins enclins à répondre à ce
genre d'enquête et ceux qui y participent ont tendance à
donner la réponse qui est socialement acceptable, explique
le chercheur. Le cas des stéroïdes anabolisants illustre
bien cette thèse. Seulement 1 % des répondants admettent
en avoir consommés, mais 15 % des répondants disent
connaître une personne qui en fait usage. "À
moins que tous ces répondants fassent référence
aux mêmes personnes, c'est une bonne indication qu'il y
a sous-estimation."
La personne avant l'athlète
Les chercheurs ont noté une grande méconnaissance
des produits dopants chez les jeunes athlètes. "Ils
connaissent peu les substances, méthodes ou produits qui
sont totalement interdits, ceux qui sont soumis à des restrictions
et ceux qu'il est permis d'utiliser", dit Pierre Valois.
Les produits les plus populaires sont les médicaments en
inhalateur pour l'asthme (8 %), le décongestionnant Sudafed
(6 %) et les comprimés de caféine (4 %), "probablement
parce que ce sont les plus faciles à obtenir", notent
les auteurs de l'étude. Au total, 42 % des répondants
ont consommé de la caféine - une substance soumise
à des restrictions - sous forme de boissons gazeuses, de
café, de chocolat ou de comprimés. "On ne parle
pas ici de prendre une boisson gazeuse ou du chocolat pour le
plaisir ou pour le goût, mais bien dans le but précis
d'améliorer la performance sportive", insiste Pierre
Valois. À noter également que 11 % des répondants
ont fait usage de créatine ou des suppléments de
protéines. La créatine ne figure pas sur la liste
des produits interdits, mais elle est non recommandée pour
les moins de 18 ans.
Autre révélation troublante de l'étude, 54
répondants ont déclaré avoir été
encouragés à consommer des produits dopants par
leur entraîneur et 19 autres par leurs parents! "C'est
aberrant, mais ça ne m'étonne pas, commente Pierre
Valois. La pression placée sur les jeunes athlètes
pour qu'ils performent est énorme et ils ont l'impression
que, sans ces produits, leurs chances de l'emporter sont moins
bonnes." Comme les mesures contre les contrevenants ne sont
pas très sévères, les jeunes athlètes
évoluent dans un environnement qui favorise la tricherie.
"Tout le système les pousse vers le dopage, déplore
Pierre Valois. C'est pour cette raison que si on veut intervenir
de façon efficace, il faut viser les athlètes bien
sûr, mais il faut également s'adresser aux parents,
aux entraîneurs et aux têtes dirigeantes des organisations
sportives pour qu'il y ait un changement de philosophie en profondeur.
Je sais que certains vont ridiculiser ma position, mais il ne
faut pas inculquer aux jeunes athlètes l'idée que
le but ultime du sport est la victoire à tout prix. Le
but premier du sport devrait être le développement
de l'individu."
Le Secrétariat au loisir et au sport a utilisé les
grandes conclusions de cette étude pour élaborer
des outils de sensibilisation destinés aux athlètes,
aux parents et aux entraîneurs québécois.
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