19 septembre 2002 |
Lorsque Machiavel a écrit "On ne chemine jamais
qu'entraîné par la force de son naturel", il
n'avait sûrement pas prévu qu'un jour, des hommes
vasectomisés - ou plutôt des hommes qui croyaient
l'être! - appliqueraient cette pensée à leur
propre vécu. Nul doute qu'il y a là matière
à réflexion pour tout homme qui, après avoir
mûrement réfléchi et délibérément
consenti à subir la "grande opération",
constate, à son corps défendant, que la vie trouve
toujours son chemin!
La "recanalisatation spontanée" frapperait
entre 2 % et 13 % des vasectomisés de fraîche date!
Une équipe de recherche de la Faculté de médecine
a voulu savoir si la longueur du canal déférent
excisé avait quelque chose à voir avec ce raccord
naturel. La façon de faire dans ce domaine varie considérablement
d'un médecin à un autre. Certains, au scalpel léger,
coupent à peine 5 mm de canal; d'autres n'y vont pas de
main morte et enlèvent jusqu'à 70 mm de canal.
Michel Labrecque, Diem-Quan Hoang et Lucile Turcot ont comparé la longueur du canal excisé, chez 47 hommes qui ont ultérieurement vécu une recanalisation, à celle d'un groupe de près de 200 patients chez qui l'opération a produit les effets escomptés. Dans les deux groupes, la longueur du segment coupé variait entre 5 et 20 mm. Résultat? Surprise et stupéfaction! Les chercheurs n'ont découvert aucun lien entre cette longueur et le succès de l'opération.
Ni trop court, ni trop long
La conséquence non négligeable de ce prodige
de la nature est que, une fois "rebranchés",
ces hommes redeviennent fertiles. Considérant que près
du tiers des hommes vasectomisés négligent de passer
un spermogramme post-opératoire servant à confirmer
le succès de l'opération, il y a lieu de s'inquiéter.
"Je répète à mes patients qu'il vaut
mieux qu'ils apprennent que l'intervention n'a pas fonctionné
en passant un test de sperme plutôt que par un test de grossesse
positif", confie Michel Labrecque, qui pratique lui-même
des centaines de vasectomies par année. "Malgré
cela, plusieurs négligent quand même de revenir pour
le spermogramme", déplore-t-il.
"Il semble que la nature a horreur du vide", commente-t-il
pour expliquer le phénomène de recanalisation spontanée.
"Après une vasectomie, il se forme parfois un pont
fibreux et une microcanalisation entre les deux bouts du canal.
Éventuellement, des spermatozoïdes parviennent à
se frayer un chemin dans les plus grands de ces microcanaux."
Des études antérieures ont montré que les
probabilités de recanalisation étaient à
peu près nulles lorsque le médecin excisait 70 mm
de canal ou plus. Pourquoi alors ne pas couper court aux risques
de recanalisation en coupant long? "Parce que, explique Michel
Labrecque, si on coupe un trop long segment, il devient presque
impossible de recanaliser un patient qui déciderait d'avoir
d'autres enfants par la suite". Chaque année, 500
Québécois vasectomisés subissent une intervention
pour redevenir fertiles. Le succès de cette opération
dépend, en partie, de la longueur de canal excisé
lors de la vasectomie. D'où le difficile exercice de couper
juste assez long, sans couper trop court.
Le phénomène de recanalisation spontanée
n'est pas l'apanage des hommes, mentionne enfin Michel Labrecque.
Un suivi sur dix ans de femmes qui avaient subi une ligature des
trompes a révélé que près de 2 % de
ces patientes avaient eu une grossesse par la suite.
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