19 septembre 2002 |
Les universités canadiennes ont des liens peu nombreux,
mais tout de même compromettants, avec l'industrie du tabac.
Telle est la principale conclusion d'une étude rendue publique
lundi à Montréal, par le professeur Fernand Turcotte,
dans le cadre de la 1ère Conférence internationale
francophone sur le contrôle du tabac. Les universités
accusent un certain retard sur le reste de la société
en ce qui concerne la réflexion sur l'impact que pourraient
avoir les manoeuvres de l'industrie du tabac sur son propre fonctionnement,
a fait valoir le professeur de la Faculté de médecine,
reconnu pour ses prises de position critique face aux fabricants
de cigarettes.
Réalisée par un groupe de chercheurs associés
à l'Unité de recherche sur le tabac de l'Ontario,
l'étude porte sur 90 universités canadiennes, pour
la période allant de 1996 à 1999. Les dirigeants
de chaque institution ont été invités à
remplir sept questionnaires portant notamment sur le financement
de la recherche ainsi que sur les politiques et les pratiques
concernant les dons et les investissements des avoirs institutionnels
(fondations et caisses de retraite).
Questions de fonds
Les chercheurs ont ainsi découvert que l'industrie
du tabac avait accordé 13 subventions de recherche aux
universités, d'une valeur moyenne de 115 000 $, et que
six de ces subventions ont été versées à
des facultés de médecine. Pendant la période
étudiée, le quart des facultés de médecine
canadiennes ont accepté des subventions des fabricants
de cigarettes; dans les faits, ce pourcentage pourrait être
encore plus élevé puisque les chercheurs n'avaient
pas accès aux sommes versées directement aux hôpitaux
affiliés.
Les chercheurs ont découvert qu'aucune université
n'a de politique interdisant d'accepter les dons des fabricants
de cigarettes. Près de 40% des universités ont accepté
pareils dons entre 1996 et 1999. Les 78 montants versés
totalisent un peu plus de 4,2 M$. Les auteurs de l'étude
soulignent que les universités avec faculté de médecine
ont reçu significativement plus de dons que les autres
établissements, ce qui pourrait porter à croire
qu'il y a un dessein derrière ces actes philanthropiques.
Une seule université canadienne a adopté une politique
interdisant les investissements dans l'industrie du tabac. Treize
des 70 universités (19 %) qui ont répondu aux questionnaires
portant sur ce volet de l'étude ont admis détenir
des actions ou des obligations dans ces entreprises. La valeur
moyenne des sommes investies atteignait 4 M$. L'investissement
dans le tabac est plus fréquent dans les grandes universités
anglophones offrant des programmes en sciences de la santé.
Enfin, les chercheurs ont relevé que 26 cadres de l'industrie
du tabac occupaient des postes dans différentes instances
décisionnelles des universités. Quatorze d'entre
eux siégeaient au conseil des établissements, six
dans les hôpitaux universitaires et six dans des organismes
de levée de fonds.
Fernand Turcotte estime que les universités devraient prendre
les moyens requis pour protéger leur intégrité
en ne s'associant pas aux fabricants de cigarettes, et résister,
jusqu'à la dernière énergie, à la
tentation de toucher le moindre sou, en subventions ou en dons,
provenant de l'industrie du tabac.
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