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19 septembre 2002 ![]() |
La privatisation, ce phénomène qui vise une
amélioration de la performance et qui consiste à
transférer au secteur privé, en totalité
ou en partie, des activités qui relevaient jusque-là
du secteur public, ne semble pas tenir ses promesses en Afrique.
"Cela ne fonctionne pas tout le temps, il y a des conditions
sine qua non à remplir, explique Jean-Claude Cosset,
professeur au Département de finance et assurance. En Afrique,
le cadre institutionnel est inadéquat. Il y a eu très
peu de libéralisation commerciale et la gouvernance d'entreprise
laisse à désirer."
Jean-Claude Cosset est co-auteur, avec Narjess Boubakri, professeure
à l'École de comptabilité, et l'étudiant
au doctorat Omrane Guedhami, d'une étude récente
sur la libéralisation, la gouvernance et la performance
des firmes nouvellement privatisées dans les pays en développement.
Cette recherche a été publiée en décembre
2001 aux Etats-Unis par l'Institut William Davidson de l'Université
du Michigan. L'échantillon comprenait 201 sociétés,
établies dans 32 pays répartis entre quatre grandes
régions géographiques du monde, et privatisées
entre 1980 et 1997. Du nombre, 49 se situaient dans la région
Afrique / Moyen-Orient. Les trois quarts des entreprises étudiées
évoluaient dans les secteurs de la finance, des utilités
(eau, électricité), des télécommunications
et de l'énergie.
Un cadre et des réformes
Selon Jean-Claude Cosset, la réussite d'un programme
de privatisation dans un pays en développement passe nécessairement
par des réformes économiques et un bon cadre institutionnel.
Or, l'étude révèle que la région Afrique
/ Moyen-Orient vient au dernier rang des grandes régions
étudiées quant à la liberté économique,
la protection des investisseurs et le niveau de développement
des marchés boursiers. Cette région est par ailleurs
celle où l'on trouve le plus de restrictions au commerce.
Résultat: à l'exception des dépenses d'investissement,
il n'y a pas eu d'amélioration significative de la performance
(rentabilité, efficience d'opération, production)
dans les entreprises privatisées de la région Afrique
/ Moyen-Orient. "Une libéralisation boursière
et commerciale est souhaitable avant toute privatisation, poursuit
Jean-Claude Cosset. En effet, la libéralisation du commerce
apporte une concurrence accrue ainsi qu'une meilleure allocation
des ressources. La libéralisation de l'activité
boursière amène quant à elle un transfert
technologique et managérial à travers la participation
d'investisseurs étrangers."
Des faiblesses sévères
Cette étude vient confirmer les résultats d'une
recherche précédente réalisée par
les professeurs Boubakri et Cosset et publiée en Angleterre
dans le Journal of African Economies. Une partie de la
recherche portait sur 16 firmes africaines ayant fait l'objet
d'une privatisation entre 1980 et 1992 au Maroc, en Tunisie, au
Sénégal, au Ghana et au Nigéria. Au nombre
des facteurs qui ralentissent la privatisation en Afrique, les
auteurs mentionnaient des marchés de capitaux embryonnaires,
des ressources financières rares, un secteur privé
faible, un revenu per capita faible, une aversion au risque et
un instabilité institutionnelle généralisée.
Selon Jean-Claude Cosset, les économistes africains ne
sont guère favorables à la privatisation, car ils
ont l'impression que l'on laisse aller les joyaux de la couronne.
En outre, les privatisations se font souvent par vente directe
à des entreprises étrangères, ce qui est
perçu chez certains comme une "recolonisation".
"La Banque mondiale pousse à fond la vente des entreprises
à des investisseurs étrangers, soutient Jean-Claude
Cosset. Pour elle, c'est une façon de régler ce
problème de cadre institutionnel défavorable, en
particulier une mauvaise gouvernance d'entreprise."
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