5 septembre 2002 |
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Depuis la mi-août, une section de la rue Saint-Joseph à Québec, comprise entre les rues De La Chapelle et Du Pont, s'anime de façon particulière une fois la nuit tombée. Sur les grandes vitrines de certains commerces, des photos anciennes apparaissent tout à coup. Plus de 250 images du passé, diffusées par des projecteurs, sont ainsi soumises à l'attention des passants. Sur plusieurs, des visages en gros plan nous regardent, nous parlent presque. |
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Plus à l'est, une double perspective attire les regards:
celle du prolongement de la rue, qui mène à la
porte d'entrée de ce qui reste de l'ancien mail Saint-Roch,
et celle offerte par des images vidéo projetées
sur la partie supérieure de ladite porte moderne, faite
de verre et d'acier. Sur un acétate translucide et carré
d'environ deux mètres et demi de côté, un
défilement rapide de photos en noir et blanc, prises par
séquences et mises bout à bout, rappelle la technique
d'animation. Ces images animées en accéléré
montrent, entre autres, un trajet dans toute la longueur de l'ancien
mail.
À l'intérieur du mail actuel, le système
de haut-parleurs diffuse de façon continue les commentaires
formulés par les passants dans un "guichet à
paroles". Tel un écho sonore constant, ces témoignages
portent sur la métamorphose de la rue Saint-Joseph comme
espace public.
De mémoire et de liberté
L'installation interactive nocturne "Vitrines: reflet
de mémoire" est l'oeuvre du finissant de la maîtrise
en arts visuels Kader Chiguer. Elle pose un regard sur le rôle
tenu par le mail et la rue Saint-Joseph dans la vie du quartier
Saint-Roch. Cette oeuvre est l'aboutissement d'un projet en recherche-création
piloté par le professeur de l'École des arts visuels
Alain Rochon, projet qui était financé par le Fonds
de soutien à la création en milieu universitaire
de l'Université Laval et la Fondation Ideas de Toronto.
"Mon oeuvre joue beaucoup sur la mémoire, d'où
le titre, explique Kader Chiguer. En même temps, elle intègre
d'autres éléments comme l'interactivité
à travers le guichet à paroles qui recueille les
témoignages. Cette activité est en fait le non-contrôle.
L'uvre devient une sorte d'oeuvre artistique de par cette liberté-là
qui fait que n'importe qui peut arriver et dire ce qu'il veut."
Selon l'artiste, la démarche qui consiste à interroger
la mémoire, le souvenir et le rêve se fait beaucoup
mieux en fin de soirée qu'en plein jour. "Le soir
permet une tranquillité des lieux, dit-il, une sorte de
disponibilité quant à avoir un rapport, une expérience
avec l'oeuvre."
Un étrange paradoxe
Autrefois rue commerciale bourdonnante d'activité,
la rue Saint-Joseph s'est vue transformer en un centre commercial
couvert dans les années 1970. Des colonnes de béton
supportaient un dôme en acrylique. L'effet était
lourd et sombre sous un éclairage artificiel. Aujourd'hui,
la métamorphose en cours place la rue Saint-Joseph au
coeur d'un paradoxe. "Restaurée, la rue a retrouvé
un peu de son cachet d'origine, ce qui est porteur d'avenir,
indique Alain Rochon. La vieille rue devient la nouvelle rue.
En même temps, le mail, qui était à l'origine
porteur de futur, devient le passé. Cet étrange
paradoxe est largement exploité dans l'intervention de
Kader Chiguer."
L'installation nocturne "Vitrines: reflet de mémoire"
comprend une version électronique (www.arv.ulaval.ca/memoires).
Elle se tient jusqu'au 13 septembre sur la rue Saint-Joseph et
au mail Saint-Roch, à Québec. Les projections dans
les vitrines se font de 20 h à minuit, la projection vidéo
dure toute la nuit et le guichet à paroles fonctionne
vingt-quatre heures par jour.
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