5 septembre 2002 |
Au récent Défilé de la divers/cité de Montréal, communément appelé "de la fierté gaie", l'étudiant au doctorat en service social Simon Louis Lajeunesse a photographié un char vide sur lequel il était inscrit "64 invitations, 0 réponse". Ces invitations avaient été lancées par les organisateurs de l'événement à des sportifs professionnels, hétérosexuels comme homosexuels. On les conviait à participer au défilé en appui à la cause de la diversité sexuelle. "Ils n'ont reçu aucune réponse, pas un non, rien, explique l'étudiant. Comme si cette requête n'avait même pas existé. Ça va bien plus loin que de répondre non parce que, à partir du moment où l'on répond non à quelqu'un, c'est qu'on le considère suffisamment pour lui répondre." Selon lui, on ne peut pas être un homosexuel déclaré dans le sport en général, encore moins dans le sport professionnel. Ainsi pour atteindre la plus haute marche du podium olympique à Los Angeles en 1984, le plongeur américain Greg Louganis a dû taire son orientation sexuelle, sinon aucun entraîneur n'aurait accepté de le prendre en charge.
Une longue quête
De son enfance, Simon Louis Lajeunesse dit avoir gardé
un sentiment de malaise particulier relativement à son
identité. À quatorze ans, il s'est même promis
qu'un jour il allait comprendre de quoi il retournait d'être
ou de ne pas être un homme. Son mémoire de maîtrise
lui avait permis de découvrir que les motivations suicidaires
chez les jeunes hommes identifiés comme homosexuels n'étaient
qu'une partie de la problématique de l'identité
masculine. Cette problématique, il l'explore présentement
sous l'angle du sport. Au fil de ses lectures pour le doctorat,
le sport, en particulier le sport d'équipe, lui est apparu
comme un lieu de rituels qui attire les hommes reconnus comme
les plus virils et où l'homophobie et la peur de l'efféminement
occupent une place très importante. Selon lui, le sport
est devenu une sorte de refuge dans un monde en mutation. "Les
hommes ne se sont pas donné de lieux d'appartenance quelconques,
soutient-il. On se retrouve donc avec des gens qui vont tenter
tant bien que mal, dans une activité qu'on appelle le sport,
de se créer un monde ou une identité qui soient
réels, vrais, et qui donnent un sentiment réel d'exister."
Une virilité contagieuse
Entre 25 et 30 sportifs amateurs, de diverses régions
du Québec, ont été interviewés par
le chercheur. âgés entre 18 et 29 ans, majoritairement
hétérosexuels, ils pratiquent leur activité
aux niveaux olympique, interuniversitaire, intercollégial
ou de la ligue dite "de garages". Ils représentent
une dizaine de sports, tant individuels (badminton, ski, patinage
artistique, etc.) que collectifs (volleyball, football, hockey,
etc.). Dans les sports d'équipes, on se rase la tête
ou les jambes, ou on joue les matchs avec une barbe de quelques
jours. Certains urinent ensemble. Des recrues boivent de l'alcool
jusqu'à en vomir afin de se conformer au rituel initiatique
en vigueur. "Le joueur ne se demande pas s'il a le goût
de le faire, indique Simon Louis Lajeunesse. Il se dit: Les autres
l'ont fait avant moi, je vais donc le faire parce que je veux
faire partie de ce groupe d'hommes qui est une élite et
qui fait quelque chose de spécial."
Le chercheur a découvert que l'homophobie est particulièrement
élevée dans les sports d'équipes. Selon lui,
ce phénomène se trouve être directement proportionnel
au niveau d'intimité entre hommes. "Pour dissiper
toute ambiguïté amenée par l'intimité
avec des personnes de son propre sexe, dit-il, on a recours à
des actions qui ridiculisent l'homosexualité."
Une partie du mémoire de maîtrise de Simon Louis
Lajeunesse a paru chez VLB éditeur en 2001 sous le titre
Mort ou fif. Le même éditeur a démontré
de l'intérêt pour sa thèse de doctorat en
cours. Quant à son sujet de postdoctorat, il est déjà
trouvé: l'identité masculine chez les militaires.
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