29 août 2002 |
DES DANGERS DU PROCESSUS D'ÉLECTION DU RECTEUR
Dans sa lettre au président du Conseil d'administration
de l'Université Laval, M. Richard Drouin, publiée
la semaine dernière en page 4 du journal Au fil des
événements, M. Tavenas laisse manifestement
libre cours à sa frustration d'avoir été
évincé du poste de recteur. Et il remet en cause
le fait que dans le milieu universitaire les gestionnaires-et-ne-me-parlez-pas-d'autre-chose
comme lui doivent se soucier de la communauté dans laquelle
ils vivent. Un recteur d'université devrait être
nommé (ou démis) comme un président de compagnie.
Par une clique d'élites. Et au jour le jour, ce ne serait
qu'à cette clique qu'il aurait à rendre des comptes.
Le problème c'est qu'une université n'est pas une
compagnie. Une chose que nos gestionnaires semblent oublier à
l'occasion c'est que sans étudiants, l'université
n'existe plus. L'université ne doit pas être une
usine à produire des diplômés... Même
si elle a une tendance lourde à le faire. Il faut que nos
dirigeants en soient minimalement conscients!
Toujours selon M. Tavenas, le processus devrait favoriser l'émergence
de "candidatures externes de haut niveau" (avouant en
toute humilité que la sienne était un cas d'exception)
ou, à tout le moins, de candidats avec maîtrise ou
doctorat ET une expérience pertinente remarquable... Exit
le candidat étudiant et ses questions embarrassantes sur
les préoccupations de ces derniers! Ce faisant, en favorisant
des candidatures implantées dans le milieu (à défaut
d'être prestigieuses... Désolé pour messieurs
Brière et Pigeon), l'Université irait au devant
de risques "d'in-breeding" dans sa gestion. A-t-il oublié
que 12 des 25 membres de son Conseil d'administration proviennent
de l'extérieur de l'Université justement pour éviter
ce risque? Ou était-il trop concentré dans sa gestion
pour le réaliser? En preuve de son argumentation, il se
base sur les élections passées. Or, il se trouve
que ce n'est qu'à partir de 1970 que l'on retrouve le premier
recteur élu (M. Larkin Kerwin). Si ce dernier n'est resté
que 5 ans, les deux recteurs suivants, messieurs Paquet et Gervais,
sont restés 10 ans chacun et, malgré leur manque
de "prestige", ont su favoriser la croissance de l'Université
Laval.
Il est ironique de voir que notre ex-prestigieux recteur ait été
incapable de se maintenir. Peut-être que d'avoir été
un peu plus à l'écoute, en particulier des étudiants,
aurait aidé? Les votes de ces derniers lui ont d'ailleurs
cruellement fait défaut le jour de l'élection.
Je ne doute pas qu'avec les aptitudes de gestionnaire qui vous
ont été reconnues vous ne vous trouviez pas un emploi
à votre mesure (si ce n'est déjà fait). Mais
une université a le droit de demander quelqu'un qui ne
soit pas seulement un excellent comptable mais qui ait aussi des
oreilles. Même si cela doit représenter une exception.
Vous ne nous manquerez pas. Et je doute que l'Université
soit entre de mauvaises mains malgré le manque de prestige
(sic) des candidats en lice...
L'UNIVERSITÉ-ENTREPRISE DE M. TAVENAS, UN RECUL GRAVE
Réplique à la lettre de l'ex-recteur François
Tavenas, parue le 22 août en cette rubrique
Avant de quitter ses fonctions, l'ex-recteur François
Tavenas, plein d'amertume, a vidé son sac: il faudrait
interdire aux étudiants de se présenter au rectorat,
troquer le processus d'élection actuel pour un mode de
nomination quasi-clandestin et surtout, éviter que le recteur
ait à "devoir quoi que ce soit à qui que ce
soit". C'est l'essentiel de la lettre que M. Tavenas a fait
parvenir au président du Conseil d'administration universitaire
et que les médias ont publié cette semaine.
La CADEUL souhaiterait manifester son indignation devant pareille
mauvaise foi. Pour nous, il est clair que M. Tavenas n'a pas digéré
que les étudiants gradués, représentants
de l'AELIÉS, aient causé l'échec de la course
et qu'il souhaite se venger de toutes les façons possibles.
Sa première action a été d'imposer 180 $
de nouveaux frais de scolarité, sans consultation et sans
le moindre service supplémentaire. Et maintenant, faudrait-il
réviser le mode d'élection du recteur pour en exclure
les étudiants: restreindre leurs droits de vote et réduire
à néant leur capacité à être
candidat? Car il ne faut pas se leurrer, c'est bel et bien de
cela qu'il s'agit: pour M. Tavenas, l'étudiant est un vulgaire
"client" qui ne devrait pas avoir son mot à dire
sur la gestion universitaire, sur le "produit" qui lui
est offert. S'il en est mécontent, il choisira un autre
produit, selon les règles de la concurrence.
La CADEUL prône une approche diamétralement opposée.
Depuis la création des premières institutions universitaires,
ces hauts-lieux du savoir ont toujours été des communautés
librement constituées de professeurs et d'étudiants.
Sans ses professeurs, l'université n'existe pas. Sans ses
étudiants non plus. Le recteur, représentant ultime
de cette communauté, se doit d'avoir été
choisi par elle et de la représenter. Loin de "ne
devoir quoi que ce soit à qui que ce soit", le recteur
doit être redevable devant les membres de l'université
dont il est l'animateur, le leader et le représentant.
Occupant une fonction essentiellement publique, le recteur se
doit d'avoir passé le test d'une campagne publique.
Nous convenons avec M. Tavenas que le processus actuel ne favorise
pas les candidatures externes. Mais est-ce là vraiment
un défaut? Il est déjà facile pour un candidat
externe qui souhaite sincèrement devenir recteur de se
présenter comme doyen, comme membre externe du Conseil
d'administration ou à toute une panoplie de fonctions importantes
à l'Université Laval. Il possède ensuite
toute la latitude pour se faire connaître de la population
universitaire en vue d'une course au rectorat. La CADEUL est d'avis
qu'il est essentiel que le recteur ait une connaissance intime
de la communauté universitaire dont il deviendra le représentant.
Mais l'Université Laval n'est pas un vase clos pour autant:
elle entretient fréquemment des contacts avec d'autres
institutions et peut facilement importer des modes de gestion
nouveaux venus d'ailleurs.
Traçons un évident parallèle: personne, dans
notre société occidentale, n'oserait proposer que
le Premier ministre soit sélectionné par un comité
de nomination, puisqu'il est l'ultime représentant du peuple
québécois. Par contre, les ministres, sous-ministres,
hauts fonctionnaires et dirigeants de sociétés d'État
ne font pas l'objet d'un pareil test de légitimité,
puisqu'ils sont ultimement subordonnés au chef de l'État.
De la même façon, il nous paraît impossible
que le recteur puisse être nommé autrement que par
la communauté dont il est issu, ce qui n'a pas à
être le cas des vice-recteurs, doyens, membres des Conseils,
etc. En somme, l'université étant un générateur
important des acteurs de demain, il faut qu'elle puisse servir
de modèle aux sociétés de demain.
En somme, nous invitons le Conseil d'administration universitaire
à ne pas tomber dans le piège des recommandations
de M. Tavenas, qui réduiraient l'Université Laval
à une simple entreprise, qui ignorerait les professeurs
et étudiants qui sont ses composantes fondamentales.
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