29 août 2002 |
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Certains devins lisent l'avenir dans les lignes de la main, dans la configuration des astres, dans les feuilles de thé ou dans les tripes de sanglier! Les chercheurs du Centre d'études nordiques (CEN), eux, lisent le passé dans les anneaux de croissance des arbres. Étrangement, les renseignements qu'ils arrachent au temps révolu pourraient, dans certains cas, être garants de l'avenir. Ces chercheurs comptent au nombre des quelque 500 congressistes qui ont convergé vers le pavillon Alphonse-Desjardins, entre le 22 et le 27 août, à l'occasion de la 6e Conférence internationale de dendrochronologie. Organisé par le CEN, l'événement visait la mise en commun des recherches en dendrochronologie qui documentaient l'ampleur des changements climatiques planétaires. |
Une coupe transversale de racine d'épinette noire montre des cicatrices de piétinement de caribou datant de 1904 (1), 1914 (2), 1931 (3), 1973 (4) et 1988 (5). |
Perturbations humaines
Les anneaux de croissance gardent aussi en mémoire
l'impact de certaines activités humaines sur le milieu
naturel. Yves Bégin, Chloé Lacombe, Céline
Meunier et Luc Sirois l'ont montré en dévoilant
quelques résultats préliminaires de leurs études
sur les impacts climatiques de la création du réservoir
hydro-électrique Robert-Bourassa, à la Baie James.
Les chercheurs étudient les arbres qui croissent sur les
îles et les rives de cet énorme réservoir
- près de 3000 kilomètres carrés - avant
et après sa mise en eau dans les années 1970. Ils
ont déjà mis en lumière l'effet refroidisseur
de cette vaste étendue d'eau, gelée plus de six
mois par année; la saison de croissance commencerait deux
à trois semaines plus tard qu'auparavant. Selon Yves Bégin,
les îles de ce réservoir sont en voie de devenir
des enclaves de paysages typiques de la forêt retrouvée
200 kilomètres plus au nord.
De leur côté, Daniel Germain, Bernard Hétu
et Louise Filion ont eu recours à la dendrochronologie
pour documenter l'impact des perturbations de la forêt
sur les risques d'avalanche dans le nord de la péninsule
gaspésienne. Après avoir identifié, sur
des photos aériennes prises entre 1963 et 1992, des secteurs
où étaient survenues des avalanches, les trois
chercheurs ont étudié quelque 150 arbres toujours
présents sur ces sites. L'analyse dendrochronologique
de ces arbres, qui portent des séquelles de ces avalanches,
révèle qu'il faut compter environ dix ans après
une coupe forestière ou un feu pour que la végétation
atteigne une taille et une densité lui permettant de stabiliser
la couche de neige. Leurs conclusions pourraient avoir des impacts
sur la gestion des sites à vocation récréative
situés à proximité de zones d'exploitation
forestière.
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