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22 août 2002 ![]() |
Plus de trois siècles après la mort de son auteur
sur scène, l'oeuvre de Molière demeure toujours
aussi vivante. Pendant quatre jours, du 7 au 10 août, des
chercheurs universitaires venus de France, d'Allemagne, d'Angleterre,
des États-Unis ou du Québec, ont discouru avec passion
de ce dramaturge, lors d'un colloque organisé conjointement
par l'Université Laval et la revue internationale Théâtres,
dans le cadre des Grandes Fêtes de l'Université Laval.
La rencontre, dont les principaux artisans étaient Christine
Borello, une amoureuse du théâtre, et Thierry Belleguic,
professeur à l'Université Laval et responsable du
Cercle d'étude sur la République des Lettres, avait
lieu en marge des Fêtes de la Nouvelle-France.
Un colloque où les passes d'armes et l'escrime de théâtre
ont droit de cité, au même titre que des recherches
philosophiques sur l'esprit de Molière, ou la mort de Tartuffe,
ressemble davantage à une fête savante qu'à
une banale rencontre entre chercheurs. Cette idée a germé
dans la tête de Christine Borello lorsqu'elle a découvert
le Festival Molière organisé à Pézenas.
Cette petite ville du Sud de la France, où Molière
a habité, organise régulièrement une rencontre
entre universitaires, tout en produisant chaque été
une de ses pièces. À Québec, des praticiens
du théâtre, qui mettent en scène ou jouent
régulièrement Molière, ont donc pu confronter
leurs idées avec des chercheurs qui étudient passionnément
cet auteur depuis plusieurs décennies.
La langue du peuple
Le colloque a permis notamment à un spécialiste
comme le linguiste Claude Poirier, de la Faculté des lettres,
de tracer un parallèle entre l'oeuvre du dramaturge et
la langue du Québec. Bien des mots ou locutions qui se
retrouvent dans les pièces écrites au 17ème
siècle, comme "par après", "fillole
", "j'ai pas rien ", appartiennent au vocabulaire
populaire québécois. Le responsable du Dictionnaire
historique du français québécois avance
que cette proximité linguistique démontre le parti
pris de l'auteur de Dom Juan et du Malade imaginaire
pour la langue du peuple, utilisée alors en France, et
non celle de la Cour.
Le français parlé ici a fortement été
marqué par les patois que les gens des régions amenaient
avec eux en Nouvelle-France, explique en substance le linguiste.
Des mots comme "placotter ", "maganer " ou
des prononciations comme "charcher" et "icitte"
témoignent de cet héritage. Molière, lui
aussi, avait recours aux langues régionales. Claude Poirier
cite ainsi en exemple la comédie-ballet Monsieur de
Pourceaugnac, où un dialogue de sourdes survient entre
une femme native du Languedoc, dans le Sud de la France, et une
autre de Picardie, chacune se disputant dans sa langue natale.
Comme bien d'autres participants au colloque, Claude Poirier a
souligné les enseignements que des gens vivant aujourd'hui
peuvent tirer de l'oeuvre d'un auteur mort à la fin du
17ème siècle. Selon lui, Molière démontre
dans ses pièces que le langage constitue une arme aux services
des puissants pour asseoir leur pouvoir. "Le message de Molière
rencontre un écho particulier ici, car dans ses pièces
les beaux parleurs font preuve de manque de jugement, précise-t-il.
Les Québécois se retrouvent dans les personnages
qui ne connaissent pas les usages du français parisien".
À l'entendre, les gens du Québec ont l'impression
que Molière les conforte dans leur sentiment de dire des
choses censées, même si les puristes ont toujours
dit qu'ils parlaient mal. Le rire constitue donc une arme puissante,
qu'il s'agisse de dénoncer des travers de la Cour ou de
la bourgeoisie du temps du Roi-Soleil, ou de se libérer
du joug colonisateur d'une France trop ethnocentrique. Qui a dit
que Molière était mort?
La tenue du Colloque "Molière d'hier à aujourd'hui"
et son accès gratuit pour tous ont été rendus
possibles grâce à la collaboration des Grandes Fêtes
de l'Université Laval, du Conseil de Recherche en Sciences
Humaines du Canada (CRSH), du Consulat général de
France, de la Faculté des Lettres, de la Faculté
de Philosophie, de la Faculté d'architecture et d'arts
visuels et du Département des littératures de l'Université
Laval, du Centre culturel italien, du Conservatoire d'art dramatique
de Québec, du Théâtre de la Bordée,
du Conseil régional du Languedoc-Roussillon (France), de
la Ville de Pézenas (France), et de la Ville de Québec.
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