Attractions fractales
Jean-Marie De Koninck présente un "stand-up"
mathématique pour partager la passion de sa science
On le connaît parce qu'il est le
père-fondateur de l'Opération Nez Rouge, parce
qu'il est un fin analyste d'épreuves de natation à
la télé, parce qu'il est entraîneur de l'équipe
de natation du Rouge et Or depuis des lustres, et même
parce qu'il organise des événements d'envergure
sur le campus, notamment le Congrès 2002 de l'Acfas. Dans
la haute société, il est connu comme membre de
l'Ordre du Canada et chevalier de l'Ordre national du Québec. |
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En fait, on le connaît pour tellement de raisons
différentes qu'on en oublie parfois l'essentiel: Jean-Marie
De Koninck est d'abord et avant tout un mathématicien.
Un amoureux des chiffres, qui donne sans compter à sa
passion. Un horticulteur de racines carrées et cubiques.
Un dompteur de théorèmes. Un funambule sur vecteurs.
Et un bon professeur de maths, dit-on.
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Il l'a prouvé, le 14 juin, lorsque
le matheux en lui a pris d'assaut la scène du Théâtre
de la Cité universitaire, pendant 90 minutes, pour relever
un défi peu banal: faire la démonstration, par
a + b, que les mathématiques sont amusantes, importantes
et intrigantes. L'outil retenu pour faire cette démonstration
- une conférence populaire - est une espèce en
voie de disparition, qui se multiplie peu et mal à l'ère
du vidéo-clip, surtout le vendredi soir à 19 h
30. Bien sûr, le fait que la conférence se déroulait
en marge de la réunion d'été de la Société
mathématique du Canada lui assurait un certain nombre
d'inconditionnels. Mais rien n'empêchait les autres congressistes
et le simple citoyen de faire l'école buissonnière
ou de rester sagement à la maison. Malgré tout,
au moins 200 personnes ont répondu à son invitation. |
Sur un ton bon enfant, Jean-Marie De Koninck
a présenté la figure joviale des mathématiques,
appuyé en cela par une artillerie multimédia qui
reléguait loin derrière le tableau noir et la craie.
Ses exemples tirés du quotidien ont rappelé que
les maths habitent chaque recoin de notre vie. Qu'il vaut mieux
verser son lait sans attendre dans un café pour le garder
chaud le plus longtemps possible. Que dans un groupe de 23 personnes,
la probabilité que deux d'entre elles aient une même
date d'anniversaire dépasse 50 %. Il a aussi montré
le visage fascinant des chiffres, par une incursion dans le monde
merveilleux des fractales, où les mathématiques
et l'art se conjuguent à l'infini. |
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Bizarre, bizarre
Jean-Marie De Koninck a aussi montré à son
auditoire le visage bizarre des mathématiciens, celui
qui nous fait parfois douter que nous appartenons à la
même espèce, surtout lorsqu'ils s'enflamment pour
des sujets qui laissent froid le commun des mortels. Qu'on pense
à leur séculaire obsession pour les décimales
du chiffre pi ( = 3.14159...). Aidés par les ordinateurs,
les mathématiciens connaissent maintenant les 200 milliards
premières décimales de leur chiffre fétiche.
En les imprimant sur des feuilles standards, à raison
de 1 000 décimales par page, on obtiendrait une pile de
10 km de hauteur! Même étrange fascination pour
l'infiniment petit et l'astronomiquement grand, qui les amène
à calculer la probabilité d'événements
aussi invraisemblables que le risque d'être soudainement
télétransporté sur Mars en raison de fluctuations
quantiques, ou qu'un singe parvienne, par pur hasard, à
taper sur un clavier l'intégrale des quatre tomes de Harry
Potter. Dans les deux cas, la chose est possible, mais infinitésimale
est un bien grand mot pour décrire une probabilité
aussi petite.
Ne reculant devant rien pour faire des adeptes, Jean-Marie De
Koninck a même expliqué qu'on pouvait devenir millionnaire
grâce aux maths. "Il suffit de résoudre une
des sept grandes conjonctures mathématiques énoncées
sur le site www.claymath.org",
rappelle-t-il. Une récompense de 1 M$ (US) est offerte
pour chaque solution trouvée.
"Mais, on ne fait pas des mathématiques pour devenir
riche, ajoute-t-il aussitôt. On s'y adonne plutôt
parce que c'est passionnant!" Et, en quoi au juste consiste
cette passion? "Il y a l'aspect curiosité, la soif
de connaissances et le désir de faire avancer les choses,
comme dans les autres sciences", résume-t-il. Le
mathématicien, jamais à court de chiffres, se révèle
ici à court de mots. Parfois, les grandes passions s'expliquent
mal. Heureusement, elles se vivent toujours bien.
JEAN HAMANN
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