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20 juin 2002 ![]() |
Les soins infirmiers constituent un art pratique moral, dans
la mesure où l'infirmière doit juger et évaluer
les moyens dont elle dispose avant de décider de l'action
à poser. Par ailleurs, la principale contrainte au rapprochement
entre la recherche et la pratique en soins infirmiers est la culture
dite de la "présence perpétuelle", qui
oblige l'infirmière à passer tout son temps dans
un environnement de soins. Enfin, il existe plusieurs liens entre
les infirmières professionnelles et les personnes soignantes
non-professionnelles, par exemple celles qui travaillent en soins
à domicile.
Ces idées et bien d'autres ont été formulées
dans l'après-midi du 12 juin, lors d'un colloque spécialisé
ayant pour thème: "Questionnement philosophique et
soins infirmiers", organisé par une équipe
de professeures chercheures de la Faculté des sciences
infirmières. Un des objectifs visés consistait à
créer un lieu de réflexion sur le développement
théorique de la discipline infirmière au sein de
la francophonie. Une cinquantaine de personnes ont assisté
aux présentations de ce colloque, dans le cadre de la 10e
Conférence canadienne de recherche en sciences infirmières
(voir autre texte).
Pertinence de l'éthique
Sous le thème "À la recherche de la nature
des soins infirmiers", Danielle Blondeau, professeure titulaire
à la Faculté des sciences infirmières, présentait,
en après-midi, la place essentielle de l'éthique
dans la discipline infirmière. Selon elle, cette pratique
ne peut être ni un art productif, ni une activité
artisanale parce qu'elle s'oriente vers le sujet des soins. "L'infirmière
qui change un pansement, explique-t-elle, prend la personne en
considération ainsi que ses préférences et
ses choix. Si le savoir infirmier artistique découle, en
partie, du savoir scientifique, l'art qui engage l'humanité
de l'infirmière et du patient doit nécessairement
considérer l'être humain et sa santé."
John Drummond est senior lecturer à l'Université
de Dundee, en Écosse. Selon lui, le nursing doit chercher
à renforcer la relation structurelle qui existe déjà
entre la pratique et la recherche. "Non seulement les deux
milieux doivent-ils s'informer l'un l'autre, ajoute-t-il, mais
ils doivent le faire de telle façon qu'ils puissent interagir
de plus en plus en symbiose." Pour cela, il suggère
l'instauration d'une nouvelle culture, qui serait plus enrichissante
pour l'infirmière que celle de la "présence
perpétuelle". Un tel changement ne sera toutefois
possible qu'avec l'émergence d'un nouveau leadership en
nursing.
L'humanisme dans les soins
Francine Saillant, professeure au Département d'anthropologie,
a abordé la notion de don dans les soins prodigués
par des non-professionnels. Ces soins consistent, au sens large,
en un travail d'accompagnement d'êtres fragilisés.
La chercheure référait à des études
récentes auxquelles elle a participé et qui ont
été menées, entre autres, auprès de
personnes uvrant au sein d'organismes communautaires et privés
de soins à domicile, ou qui sont des aidantes naturelles
auprès d'un proche. "Le pourquoi de l'engagement exprime
surtout une forme d'altruisme, souligne-t-elle. On est, au fond
et de façon variable, plus ou moins obligé de donner,
mais le don n'est pas nécessairement vu comme un fardeau."
Les motivations consistent notamment à aider par amour
ou encore, parce que l'on est la seule personne disponible.
La conférence de clôture a été prononcée
par Thomas De Koninck, professeur à la Faculté de
philosophie. Établissant une correspondance entre le savoir
infirmier et deux modèles hérités des anciens
Grecs, soit celui de "la personne cultivée",
qui possède l'aptitude à bien juger, et celui de
"la prudence", il a par la suite insisté sur
l'importance primordiale du contact physique et de l'écoute
en soins infirmiers. Une personne malade, dit-il, a besoin d'être
touchée afin de se sentir pleinement vivante. "Le
mot "tact", explique-t-il, renvoie d'abord à
"tactus" qui signifie "toucher". C'est là
un aspect plus humble sans doute du savoir infirmier, mais combien
respectueux du concret et apte à corriger à sa façon
les méfaits du manque de communication dont souffre tant
notre époque."
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