20 juin 2002 |
"La recherche du plaisir est la force motrice qui gouverne
nos comportements et nos prises de décision et, à
ce titre, elle peut être considérée comme
la cinquième grande force de la nature". Le physiologiste
Michel Cabanac n'y est pas allé avec le dos de la cuillère
à café, le 4 juin, lors du petit déjeuner-causerie
qui lançait le Mois de la Santé, dans le cadre des
Grandes Fêtes de l'Université. Selon ce professeur
de la Faculté de médecine, le plaisir a sa place
aux côtés des forces gravitationnelle, électromagnétique,
nucléaire faible et nucléaire forte - les quatre
grandes forces de la nature qui règlent l'infiniment grand
et l'infiniment petit. "Le plaisir est la force qui meut
l'infiniment complexe", précise-t-il.
Le cerveau compte quelque 100 milliards de cellules nerveuses
et chacune d'elles possède entre 100 et 1 000 synapses,
a-t-il expliqué. La somme de toutes ces synapses est de
l'ordre de 10 exposant 15, ce qui équivaut au nombre de
secondes écoulées depuis le Big Bang. Le cerveau
est donc une structure très complexe. Pourtant, il répond
à une seule grande influence: la quête du plaisir.
Le plaisir sous toutes ses formes - manger, boire, voir, écouter,
toucher, caresser, s'amuser et posséder - conditionne nos
actions et nos prises de décisions. "C'est la monnaie
d'échange utilisée par notre cerveau pour évaluer
la rentabilité de chaque comportement dans une situation
donnée. Lorsqu'il y a conflit entre plusieurs comportements
et que nous devons choisir, nous agissons alors de façon
à optimiser le plaisir", explique Michel Cabanac.
L'éternelle quête
Sa théorie, qu'il explique en détail dans son
ouvrage La quête du plaisir, publié aux Éditions
Liber en 1995, résulte d'expériences effectuées
depuis une dizaine d'années dans son laboratoire. Ses études
sur des sujets humains lui ont permis de cerner le rôle
central du plaisir dans les comportements de l'Homo sapiens.
Ainsi, le plaisir de plonger la main dans un bac d'eau froide
varie en fonction de la température interne des sujets,
alors que le plaisir d'avaler une cuillerée d'eau sucrée
se transforme en déplaisir lorsque les sujets ont atteint
le seuil de satiété. Les activités de nature
intellectuelle sont également soumises à cette quête:
des sujets, qu'il avait invités à jouer au golf
virtuel sur ordinateur, ont admis retirer plus de plaisir lorsqu'ils
réussissaient un trou en peu de coups. Certains comportements
agressifs sont même adoptés en fonction du plaisir
qu'ils procurent!
Les travaux de Michel Cabanac sur les animaux ont démontré
que les émotions seraient apparues avec les reptiles, au
cours de l'évolution. La naissance de l'émotion
sous-entend l'émergence de la conscience et de l'intelligence.
En plus d'être émotifs, les reptiles seraient-ils
intelligents? "L'émotion est un aspect de l'intelligence
et il est évident qu'il y a une conscience chez les reptiles,
mais elle n'est pas celle d'un humain ni celle d'un chimpanzé,
précise Michel Cabanac Elle est limitée à
des propriétés mentales qui vont lui permettre de
survivre comme tortue ou comme iguane."
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