23 mai 2002 |
Si les oiseaux se déplacent librement et sans difficulté
dans le milieu fermé qu'est une forêt, il en va tout
autrement lorsque ces gracieux volatiles se retrouvent en milieu
ouvert. Une étude, menée par des chercheurs du Centre
de recherche en biologie forestière et dont les résultats
ont paru dans la revue Ecology, tend en effet à
renforcer l'hypothèse selon laquelle les oiseaux forestiers,
en dehors de leur période de migration, sont véritablement
contraints dans leurs déplacements lorsqu'ils circulent
à travers des paysages fragmentés ou déboisés.
Selon Marc Bélisle, principal auteur de l'étude
et actuellement chercheur postdoctoral à l'Université
d'Helsinki, de tels obstacles peuvent avoir des répercussions
majeures sur les oiseaux. "Tout est associé au fait
que s'il y a des barrières aux mouvements, le comportement
de 'magasinage' des jeunes oiseaux, au moment de la recherche
du territoire adéquat pour la reproduction, sera affecté,
dit-il. On pense que les individus vont avoir tendance à
ne pas trop s'éloigner, donc à peut-être se
contenter d'un territoire sans grande valeur. Or, cette faible
qualité du milieu affectera leur succès reproducteur
et, éventuellement, la population."
De mésanges et de parulines
Le travail de terrain s'est déroulé lors de
deux printemps consécutifs, dans la région de Québec,
sur les rives nord et sud du fleuve Saint-Laurent. Cette période
correspond, chez les espèces étudiées, aux
phases de la confection du nid, de la ponte des oeufs et de leur
incubation. Ces espèces sont la mésange à
tête noire, qui vit au Canada à l'année longue,
la paruline bleue et la paruline couronnée, qui migrent
au Sud pour la saison d'hiver. Les chercheurs ont capturé
201 individus à l'aube, à l'aide de longues perches
et de filets très fins. Pour les attirer, ils ont utilisé
un magnétophone émettant les cris ou chants territoriaux
de l'espèce. Une fois bagués, les oiseaux ont été
immédiatement transportés à une distance
variant de un à quatre kilomètres de leur territoire,
avant d'être relâchés dans une parcelle de
forêt où ils ont trouvé refuge. Les zones
de relâche étaient constituées de pâturages,
de champs de céréales et de boisés.
"Nous n'avons pris que des mâles territoriaux ayant
une femelle, explique Marc Bélisle. Nous nous attendions
à ce qu'ils soient très attachés à
leur territoire parce qu'ils y ont investi du temps, de l'énergie
et qu'ils ont réussi à y attirer une femelle. En
outre, les oiseaux chanteurs vivent trois ans en moyenne, ce qui
leur laisse seulement une ou deux chances pour se reproduire.
La motivation pour retrouver leur territoire est donc très
grande."
De grandes variations
Les individus qui ont bénéficié d'un
couvert forestier abondant ont pu effectuer un retour rapide,
c'est-à-dire inférieur à 25 heures. Mais
lorsque le couvert forestier se situait sous les cinquante pour
cent, le trajet de retour pouvait durer de trois à quatre
jours, et même davantage dans certains cas. Ces résultats
révèlent que les oiseaux sont réticents à
franchir les aires ouvertes, possiblement par crainte des prédateurs,
et qu'ils vont probablement tenter de contourner les aires en
question.
D'autre part, comment les oiseaux appartenant aux deux espèces
migratrices, lesquelles peuvent traverser de vastes étendues,
ont-ils pu être affectés par une simple rivière
ou de petits milieux ouverts? "Tout le côté
hormonal de l'oiseau change lorsque vient le temps de la migration,
indique Marc Bélisle. S'il décide de passer l'hiver
ici, il va très probablement mourir. Il est donc important
pour lui de se rendre au Sud. Pour cela, il est prêt à
prendre de gros risques."
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