9 mai 2002 |
LE DOUBLE JEU AMÉRICAIN
Richelieu disait que la dissimulation est le savoir des rois.
Collin Powell devait avoir cette phrase à l'esprit, car
sa rencontre "constructive" avec Yasser Arafat était
à bien des égards une imposture. Celui que l'on
considère comme un modéré dans l'administration
américaine ne fera que perpétuer un insidieux mensonge,
une hypocrisie qui dure depuis plus de trente ans: celle qui fait
croire que les États-Unis agissent en arbitre au Moyen-Orient.
Arbitre peut-être, mais partie surtout.
C'est dans un climat des plus détériorés
que Powell a entamé sa mission d'urgence en Israël.
N'y a-t-il pas été accueilli par l'explosion d'un
bus à Jérusalem provoquée par une femme kamikaze,
la troisième depuis le début de cette Intifada?
Il semble ne faire aucun doute que cet attentat soit directement
relié à la visite du secrétaire d'État.
Ce nouvel acte de terreur soulève une question: pourquoi
voudrait-on manifester de l'agressivité à l'égard
de celui qui veut amener la paix?
C'est qu'en Palestine, toute initiative américaine en faveur
de la paix est maintenant perçue par beaucoup comme une
coquille vide. Les faits apportent un démenti aux paroles,
si apaisantes soient-elles, portées par l'administration
Bush. Il suffit à un palestinien d'apercevoir un hélicoptère
israélien, tirant impunément sur des civils désarmés,
pour mettre en doute les intentions américaines face à
un futur État palestinien, viable et coexistant pacifiquement
avec ses voisins. Les modèles d'hélicoptères
Apache Longbow, modèle particulièrement meurtrier
utilisé sans réserve dans ce conflit, sont d'origine
américaine, beaucoup ayant été livrés
bien après le déclenchement de la première
Intifada. Il en va de même avec les missiles Hellfire ou
les bulldozer Caterpillar, 100 % américains, qui servent
à abattre les maisons palestiniennes ou les derniers
rebus de ce qui fut une autorité palestinienne , qui
se trouveraient sur le chemin de l'armée israélienne.
Alors que l'on a fait beaucoup de bruit autour de l'arraisonnement
du Karine A., bateau supposé être iranien, qui tentait
de livrer des armes en Palestine, l'on oublie souvent que les
États-Unis sont le premier fournisseur d'armes d'Israël.
Les États-Unis financent Israël à hauteur de
trois à six milliards de dollars américains par
année et, de plus, la moitié de cette somme est
allouée aux dépenses militaires qui servent actuellement
à réprimer tout un peuple dans la plus grande illégalité.
Ce soutien s'étend aussi au domaine politique. L'impunité
de l'État hébreu s'est toujours confortée
derrière le veto systématique des États-Unis
face à toute résolution du Conseil de sécurité
qui lui porterait atteinte. George W. Bush ne savait-il pas, en
saluant l'initiative saoudienne pour la paix, que celle-ci, proposant
une normalisation complète entre les états arabes
et Israël en échange d'un État palestinien,
n'est qu'une réédition de la résolution de
janvier 1976 au Conseil de sécurité, soutenue par
toute la communauté internationale, le bloc soviétique
et l'Europe, à laquelle les États-Unis avaient apposé
leur veto? Le récent soutien américain, qualifié
d'historique, à une résolution du Conseil de sécurité
qui admet, à terme, l'existence d'un État palestinien,
se réduit à une basse tactique diplomatique. Alors
que l'on a fêté, le 27 avril, le huitième
anniversaire de l'abolition de l'apartheid, il est légitime
de se demander dans quelle mesure les États-Unis, en soutenant
financièrement, militairement et politiquement Israël,
ne sont pas complices du massacre des palestiniens.
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