9 mai 2002 |
Plusieurs études de terrain démontrent que les
travailleurs québécois sont ouverts à la
transmission de connaissances et d'habilités de métier,
entre les générations en milieu de travail. Mais
les conditions organisationnelles qui favoriseraient cette transmission
sont encore peu répandues. Elles consistent notamment à
s'accorder un minimum de temps et à se croiser dans les
postes de travail. Les plus jeunes doivent aussi pouvoir profiter
des connaissances complexes que possède un réseau
de travailleurs expérimentés.
La transmission intergénérationnelle de savoirs
en milieu de travail a été abondamment discutée
durant un atelier présenté le 29 avril à
l'hôtel Hilton Québec dans le cadre du 57e Congrès
des relations industrielles de l'Université Laval. Le congrès,
organisé par le Département des relations industrielles,
se tenait sur le thème "La gestion des âges
- face à face avec un nouveau profil de main-d'oeuvre".
Des tensions potentielles
Selon Solange Lefebvre, professeure à la Faculté
de théologie de l'Université de Montréal,
différentes tensions potentielles peuvent apparaître
entre les groupes d'âge de travailleurs. Ces malaises peuvent
être reliés aux disparités de traitement,
entraînées notamment par les "clauses orphelins",
ou ils peuvent découler de savoirs très formels
acquis sur les bancs d'école, savoirs qui insécurisent
les plus âgés. "Il peut arriver, ajoute-t-elle,
que les plus vieux refusent de transmettre leurs connaissances
parce que, pour eux, c'est perdre un avantage, surtout dans un
milieu où l'on valorise beaucoup la performance individuelle."
Au Québec, les entreprises accordent peu de temps aux travailleurs
pour la transmission de savoirs, laquelle s'effectue bien souvent
sur le tas, en contexte de production, explique Solange Lefebvre.
"Cela pose problème, poursuit-elle, parce que les
conditions habituelles de travail sont souvent contraignantes.
Si ce sont les seules conditions d'apprentissage, c'est insatisfaisant
à la fois pour la recrue et pour l'expert qui n'a pas le
sentiment d'aller au bout de l'échange."
Quant aux stratégies de transmission employées,
elles peuvent être plus ou moins simples, complexes ou élaborées.
Solange Lefebvre a étudié plusieurs situations de
travail, en particulier en usinage où l'on utilise des
machines numériques très sophistiquées. Elle
a observé que les travailleurs dans la quarantaine font
davantage appel à des stratégies directives où
ils disent au novice quoi faire. "Ils impliquent moins les
plus jeunes, peut-être par manque de temps, ou à
cause de leur statut", avance-t-elle. En revanche, les travailleurs
plus âgés ont tendance à faire faire les choses
par le novice et à corriger son travail au besoin.
Des obstacles organisationnels nombreux
Esther Cloutier est chercheure à l'Institut de recherche
Robert-Sauvé en santé et en sécurité
du travail. Elle a livré les principaux résultats
d'une recherche exploratoire récente menée dans
une usine de la région de Montréal où l'on
fabrique des pièces destinées au secteur aéronautique.
Parmi les obstacles à la transmission des connaissances
relevés par l'équipe de chercheurs, il y a la recherche
de la flexibilité de la production, la taylorisation du
travail, la sous-traitance pour certaines tâches et la répartition
géographique des postes selon l'expérience des travailleurs.
"Cette répartition nuisait beaucoup à la transmission
des savoirs, indique Esther Cloutier. Nous avons toutefois observé
beaucoup d'échanges informels entre les plus jeunes. Ce
réseau contribuait à alimenter les jeunes travailleurs
en connaissances et savoirs sur la production. Ils pouvaient discuter
de méthodes de travail et se les approprier." Les
chercheurs ont aussi constaté que la résolution
de problèmes aux postes de travail constituait des moments
particulièrement propices à l'échange de
savoir entre experts et novices.
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