11 avril 2002 |
La stratégie canadienne de prévention de l'hépatite
A chez les voyageurs est inefficace et elle doit être révisée
sans plus tarder. Voilà ce que soutient un groupe de dix
chercheurs après avoir établi que l'efficacité
de cette stratégie atteignait à peine 11 %. "Du
point de vue de la santé publique, un programme qui a un
taux d'efficacité aussi bas est clairement inadéquat.
Une révision aurait dû être faite il y a déjà
un bon moment", concluent-ils dans le dernier numéro
du Journal of Travel Medicine.
La stratégie canadienne consiste à vacciner les
gens qui en font la demande avant leur départ pour des
pays à risques. Les coûts de la vaccination, d'environ
100 $ (incluant le rappel), sont à la charge des voyageurs,
la logique étant que si les gens ont assez d'argent pour
voyager, ils peuvent assumer ces frais. L'hépatite A est
la maladie vaccinable la plus commune chez les voyageurs. Au Québec
et en Ontario, le tiers des cas recensés surviennent après
un séjour à l'étranger.
Destinations à risques
Gaston De Serres, Bernard Duval, Ramak Shadmani, Nicole Boulianne
et Louis Rochette, du Centre de recherche du CHUL, de même
que cinq autres chercheurs canadiens, ont réalisé
la première évaluation de la stratégie canadienne
en étudiant les cas d'hépatite A signalés
en Ontario et au Québec, à la suite de voyages effectués
dans des pays où cette maladie est endémique. La
liste de ces pays inclut tous les pays d'Afrique, d'Amérique
centrale, d'Amérique du Sud, d'Europe de l'Est, et bon
nombre de pays de l'ancien bloc soviétique, du Moyen-Orient,
d'Asie et d'Océanie (à l'exception des pays riches
de ce dernier continent).
Entre 1997 et 1999, 208 voyageurs des deux provinces ont rapporté
une hépatite A de l'étranger. Les Philippines, le
Mexique, la République dominicaine, Cuba et l'Inde représentaient
les destinations les plus à risques. Une enquête
détaillée menée auprès de 108 personnes
atteintes et de 620 voyageurs bien portants rentrant également
de pays où la maladie sévit, a révélé
que le risque de contracter l'hépatite A est cinq fois
plus faible chez les personnes qui consultent dans une clinique
santé pour voyageurs avant leur départ. "Si
tous les voyageurs à destination de pays à risques
se rendaient dans ces cliniques, l'efficacité de la prévention
serait de 80 %", signale Gaston De Serres. Le 20 % manquant
provient du fait que certains patients refusent le vaccin, que
certains médecins ne le proposent pas ou que le vaccin
n'est pas totalement efficace. Cependant, comme seulement 14 %
des voyageurs visitent ces cliniques avant leur départ,
l'efficacité globale de l'approche canadienne n'est que
de 11 %.
Parmi les personnes qui ont contracté l'hépatite
A en voyage, 41% étaient conscientes du risque qu'elles
couraient avant leur départ, mais seulement 5 % se sont
rendues dans une clinique pour voyageurs. Dans le groupe des bien
portants, 59 % étaient conscients du risque et 14% ont
visité une clinique. "Nos données montrent
que toute personne qui se rend dans un pays où l'hépatite
A est endémique court un certain risque d'attraper cette
maladie, peu importe les conditions de salubrité dans lesquelles
elle voyage", insiste Gaston De Serres.
Prévenir à défaut de guérir
Considérant que l'immunité naturelle contre
l'hépatite A disparaît progressivement dans la population
canadienne (elle n'est plus que de 1% chez les personnes nées
après 1980) et que les voyages à l'étranger
deviennent de plus en plus courants, il faut repenser la stratégie
pour protéger les voyageurs canadiens et les personnes
qu'elles risquent de contaminer au retour, affirment les chercheurs.
"Il faut accroître la perception du risque chez les
voyageurs par des campagnes de sensibilisation dans les pharmacies
et dans les agences de voyage, mais nous savons que ces actions
ont une portée limitée, déclare Gaston De
Serres. C'est pourquoi il faut sérieusement évaluer
la possibilité de vacciner toute la population contre cette
maladie."
Il n'existe pas de médicament pour lutter contre l'hépatite
A. En moyenne, la convalescence dure près d'un mois et
fait perdre 20 jours de travail aux malades. Le taux de mortalité
causée par cette maladie varie selon l'âge du patient.
Il se situe à près de 1 % dans le groupe des 30
ans, mais il grimpe à plus de 3 % après 50 ans.
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