11 avril 2002 |
La chute du huard et la poussée de l'intégration économique soulèvent de plus en plus fréquemment la question d'une union monétaire en Amérique du Nord
L'un est pour, l'autre est plutôt en faveur du statu quo.
Le porte-parole du Bloc québécois dans le dossier
de l'intégration monétaire, Richard Marceau, croit
qu'il faut se pencher très sérieusement et dès
maintenant sur l'idée d'une union monétaire pour
l'Amérique du Nord. Pour sa part, Benoît Carmichael,
professeur du Département d'économique, ne voit
pas d'incohérence entre une intégration économique
poussée et le maintien d'une monnaie distincte.
C'est ce qui se dégage d'un débat sur la possibilité
de créer une union monétaire dans les Amériques
organisé le 28 mars par le Carrefour Amérique latine
de la Faculté des sciences de l'administration. Selon Richard
Marceau, une monnaie commune ne représenterait pas une
perte de souveraineté pour le Canada. "Depuis les
50 dernières années, explique-t-il, le meilleur
modèle économique pour déterminer le taux
d'escompte canadien a consisté à utiliser le taux
en vigueur aux États-Unis et à le majorer d'environ
1,1 %. Dans une union monétaire continentale, le Canada
pourrait avoir son mot à dire plutôt que de suivre
ce qui se fait aux États-Unis." De son côté,
Benoît Carmichael n'est pas prêt à dire que
la politique monétaire canadienne est calquée sur
celle des États-Unis. Cependant, il affirme qu'une union
monétaire aurait pour résultat une perte d'autonomie
pour le Canada. "Nous n'aurions plus aucune marge de manoeuvre
pour nos taux d'intérêt", indique-t-il.
Et ce huard qui bat de l'aile
Benoît Carmichael rappelle que la question de l'utilité
du dollar canadien se retrouve à l'avant-scène du
débat public depuis 1991, début de sa dépréciation
presque ininterrompue depuis. "On a souvent l'impression,
dit-il, que le dollar canadien est "passé date"."
Cette impression se trouve renforcée du fait que les trois
quarts des produits canadiens vendus à l'étranger
prennent la direction des États-Unis. Pour sa part, Richard
Marceau situe le débat dans le cadre de la "continentalisation"
des économies. Corollaire au phénomène de
la mondialisation, la "continentalisation" fait que
des pays à l'échelle d'un continent se rapprochent
et signent entre eux d'importantes ententes commerciales. "Ce
phénomène s'amplifie, dit-il. On parle d'une zone
de libre-échange des Amériques d'ici 2004-2005.
À terme, l'union monétaire toucherait les trois
Amériques."
De substantiels avantages
Selon Benoît Carmichael, adopter une monnaie commune
comme le dollar US permettrait aux entreprises canadiennes de
réduire les coûts de transaction, de stimuler la
concurrence, de faciliter les comparaisons et d'éliminer
le risque de change. "Cela stimulerait la productivité
et l'innovation des entreprises, ajoute-t-il. Les entreprises
canadiennes sont assez paresseuses. Elles se cachent derrière
la dépréciation du dollar canadien pour rétablir
la compétitivité."
Le passage éventuel du Canada à une union monétaire
serait un exercice relativement simple, au dire des deux participants
au débat. Même les billets de banque et les pièces
de monnaie ne poseraient pas de problème puisqu'ils ne
représentent qu'environ cinq pour cent de l'argent en circulation
au pays. L'exercice, explique Benoît Carmichael, soulèverait
cependant des questions de fond. "Le Canada, demande-t-il,
aura-t-il un siège permanent au Federal Open Market Committee,
lequel décide des orientations de la politique monétaire
américaine?" Une alternative, qui se rapproche de
l'union monétaire, consisterait pour le Canada à
passer à un régime de taux de change fixe avec son
voisin du Sud. Le Canada a cependant expérimenté
une telle formule entre 1962 et 1970. La valeur du dollar canadien
était alors fixée à 92,05 $ US.
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