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4 avril 2002 ![]() |
Deux clans de bandits, deux chefs qui se font la guerre, un
corps policier qui tire profit de la situation, aucun des ingrédients
qui composent généralement un spectacle à
saveur policière ne semble manquer dans la pièce
de théâtre La grande roue, présentée
par la troupe Les Treize les 5, 6 et 7 avril. Sauf qu'un auteur
comme Vaclav Havel, le dramaturge tchèque qui préside
le gouvernement de ce pays depuis plusieurs années, ne
pouvait se contenter de traiter des clichés habituels sur
le milieu interlope. La pièce apporte en fait une réflexion
sur le mensonge, la trahison, le double langage, un mal qui ne
se limite pas malheureusement au monde des bandits mais touche
l'ensemble de la société.
"Vaclav Havel a écrit La grande roue en 1972,
soit quatre ans après le Printemps de Prague, rappelle
Jean-François Lessard. Il a vu beaucoup de ses proches,
qui jusque-là militaient pour un socialisme à visage
humain, changer brusquement d'opinion et se rallier au pouvoir
en place." Selon ce metteur en scène professionnel
qui dirige en temps ordinaire le Théâtre permissif,
la pièce traite donc du mensonge institutionnalisé.
Dès le début, on comprend que Tony Vollard, dirigeant
du clan des bandits traditionnels, mène une guerre sourde
contre le clan de Maxence, qui s'affiche comme un rebelle sans
compromis. La fille de Vollard a pourtant épousé
le chef des rebelles, mais le père et le mari essaient
tour à tour de prendre avantage de cette union pour contrôler
le clan de l'autre.
Relations troubles
Petit à petit, le spectateur comprend que les positions
des personnages ne sont pas aussi tranchées qu'elles ne
le paraissent au départ, car l'un accepte des compromis
avec la police sans en informer ses alliés, tandis que
l'autre entretient une seconde liaison maritale. Ces relations
qui reposent toutes sur le mensonge ont d'ailleurs obligé
les comédiens à consacrer une bonne partie de leur
travail à dénouer les fils de l'intrigue. "C'est
un gros défi pour les acteurs, car la pensée de
chaque personnage semble être fluctuante, remarque Annie
Gignac qui interprète la fille de Tony Vollard et l'épouse
de Maxence. Dans mon cas, Roseline se demande si elle doit aider
son époux ou sa famille, et il devient parfois difficile
de comprendre à qui l'on ment, selon les répliques
"
Plus la pièce avance, plus l'image de la grande roue devient
davantage explicite. En effet, l'un après l'autre les personnages
se compromettent avec la police, par exemple, et chacun des protagonistes
de la pièce finit par occuper la position détenue
par son prédécesseur. Une image que le metteur en
scène a choisi d'expliciter encore en utilisant les services
d'un "D'J" chaque soir. "Je voulais sculpter le
temps de la pièce avec de la musique qui revient régulièrement,
précise Jean-François Lessard. Avec un D'J sur scène,
on peut mixer les musiques des scènes et produire beaucoup
d'effets sonores." L'intégration dans la pièce
d'un registre sonore assez électronique lui donne par ailleurs
un ton résolument contemporain. Après tout d'dipe,
en passant par les récentes affaires autour du lobbying
et la découverte de rapports fédéraux disparus,
le mensonge et le double langage semblent indiscutablement faire
partie de la nature humaine
La grande roue de Vaclav Havel est présentée
les 5, 6 et 7 avril, à 20 h, à l'Amphithéâtre
Hydro-Québec du Pavillon Alphonse-Desjardins. Billets en
prévente au Service des activités socioculturelles,
au local 2344 de ce même pavillon, au coût de 8 $.
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