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4 avril 2002 ![]() |
Lorsque Ovide recensait les diverses métamorphoses imaginées
par la mythologie, il ne se doutait pas des pouvoirs que la science
allait acquérir quelques centaines d'années après
lui. Aujourd'hui, les cloisons entre l'être humain, la machine
et l'animal reçoivent chaque jour un nouvel éclairage
à travers les découvertes et les pratiques des différentes
disciplines. Si nous n'avons pas encore vu apparaître de
centaure, l'essor du clonage et des expérimentations transgéniques
force les branches du savoir à combiner leurs lumières
pour cerner des problèmes qui se complexifient. Dans ce
contexte, la tâche du GRAT (Groupe de réflexion sur
les animaux transgéniques) en est une qui s'impose. Issu
d'une collaboration impliquant des spécialistes de plusieurs
établissements dont l'Université Laval, le GRAT
offre un lieu de dialogue parfaitement approprié à
son objet, puisque tant les sciences pures que les sciences humaines
y ont tribune.
C'est à la fin de l'année 2001 que les Presses de
l'Université Laval et L'Harmattan publiaient les premiers
résultats de cette entreprise: le collectif Le défi
transgénique, sous la direction de Georges A. Legault
(Université de Sherbrooke), épaulé dans cette
tâche par Thérèse Leroux (Université
de Montréal) et Marc-André Sirard (Université
Laval). Alors que les feux médiatiques se sont récemment
porté sur les OGM liés au secteur agroalimentaire,
le groupe tente quant à lui de saisir les fondements de
la problématique à partir des manipulations génétiques
portant sur des animaux et ouvrant à des expériences
sur l'humain. Ici plus qu'ailleurs, le débat ne peut éviter
la multipolarisation, requérant tout autant les services
de la biologie que ceux de l'éthique et du droit public.
L'après Dolly
"Dans un monde soumis à l'impératif de
l'urgence et de l'action, peut-on lire dans la conclusion de l'ouvrage,
prendre le temps d'écouter l'autre et de parler soi-même
apparaît certainement comme un luxe. La réflexion
est souvent perçue comme l'ennemi de la productivité
et de la rentabilité." Bien que ce livre soit issu
d'un atelier, il vise non seulement à recenser des contributions
mais aussi à introduire dans le débat public les
fruits de son dialogue. À partir du cas bien précis
de la production d'une protéine humaine (l'alpha-1-antitrypsine)
dans le lait de brebis, les chercheurs dégagent un horizon
décisionnel représentatif des dilemmes qui viendront
pour longtemps assaillir le champ des xénogreffes.
Démontrant combien il est insuffisant de se déclarer
"pour" ou "contre" les manipulations génétiques,
Le défi transgénique propose une délibération
assez souple pour que puissent s'associer les savoirs, à
la mesure des entrechoquements d'intérêts auxquels
on assiste dans ce domaine. Il n'est en effet pas facile de hiérarchiser
des valeurs telles que l'amélioration de la vie humaine,
la protection de la qualité de vie des animaux et la sauvegarde
de l'environnement à long terme. Par conséquent,
il faut distinguer les différents types de recours à
la technologie des OGM, pour éviter leur récupération
outrancière sous des prétextes économiques,
sans se priver pour autant de leurs aspects positifs. Car en définitive,
la manipulation des gènes et la transformation de l'être
humain sont des opérations déjà millénaires,
mais dont la vitesse accrue nécessite aujourd'hui une puissante
réflexion, orientée vers le bien-être de tous.
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