21 mars 2002 |
Il ne fait pas de doute qu'un Québec indépendant serait viable. L'indépendance politique n'est pas la fin de l'État-nation. Mais la notion de sécession pour le Québec représente un défi au principe du pluralisme démocratique. Tel est le point de vue exprimé le mercredi 13 mars au pavillon Charles-De Koninck par Charles Doran, directeur du Center of Canadian Studies, and Global Theory and History à l'Université Johns Hopkins à Washington. Il est l'auteur de Why Canadian Unity Matters and Why Americans Care: Democratic Pluralism at Risk, un ouvrage paru l'an dernier aux Presses de l'Université de Toronto. Sa conférence, qui portait sur la dimension internationale du projet souverainiste québécois, a été prononcée dans le cadre des activités de l'Institut québécois des hautes études internationales.
Un modèle québéco-canadien?
Selon Charles Doran, il faut aborder la question de la sécession
du Québec à la fois dans le contexte plus large
des démocraties industrialisées avancées,
et à la fois sous l'angle du pluralisme démocratique.
Ce concept constitue l'un des derniers stades du développement
de la démocratie et se trouve intimement lié à
la valeur de tolérance. "Ce qui se passe au Canada
en la matière aura des répercussions ailleurs dans
le monde, dit-il. Y compris dans les pays en développement,
notamment en Inde, un pays qui contient une centaine de groupes
ethniques, tribaux et linguistiques ayant chacun une forte assise
régionale." La situation québécoise,
ajoute-t-il, est suivie attentivement par de nombreux groupes
minoritaires à travers la planète, dont les Catalans
en Espagne, les Flamands en Belgique et les Écossais au
Royaume-Uni.
Selon Charles Doran, la situation québécoise est suivie attentivement par de nombreux groupes minoritaires à travers la planète, dont les Catalans en Espagne, les Flamands en Belgique et les Écossais au Royaume-Uni
Démocratie versus tyrannie
Charles Doran indique que, sur le plan théorique, les
individus et les communautés qui sont victimes d'oppression
ont le droit de recourir à la sécession. "Mais,
ajoute-t-il, démocratie et tyrannie sont deux notions incompatibles.
À partir du moment où les minorités au Québec
ne peuvent prétendre vivre sous une tyrannie, le Québec
ne peut pas faire valoir que la tyrannie existe au Canada."
Le conférencier se demande par ailleurs pour quelle raison
la poussée souverainiste est apparue si tard, et non en
1759 suite à la Conquête, ou en 1837 au moment du
soulèvement des Patriotes, ou encore lors de la crise de
la conscription au cours de la Première Guerre mondiale.
L'explication se trouverait selon lui dans les débuts de
la Révolution tranquille des années 1960. Ce phénomène,
selon Charles Doran, a donné naissance à une
société ouverte et dynamique, urbaine et sophistiquée,
aussi libérale que n'importe quelle autre partie de l'Amérique
du Nord, davantage même sur certains aspects. "Je ne
connais pas, dit-il, d'autre société où une
telle transformation s'est produite aussi vite, presque sans violence,
avec de profonds changements dans les valeurs, les institutions
et le tissu social lui-même." En même temps,
de fortes perturbations sont venues ébranler une institution
centrale comme l'Église catholique. "L'Église,
précise Charles Doran, avait fourni la "colle idéologique"
nécessaire à la cohésion de la société
canadienne après la Conquête." Une fois la Révolution
tranquille en marche, la culture a agi comme substitut à
l'Église pendant un temps. Puis, un meilleur substitut
fut trouvé: la foi dans le nationalisme. "À
bien des égards, soutient-il, la confiance envers l'État
pour assurer la survie de la société québécoise,
de sa langue et de sa culture, est venue remplacer les certitudes
que l'on attendait traditionnellement de l'Église."
|