21 février 2002 |
Habitués que nous sommes à nous installer machinalement
devant le petit écran pour pratiquer le sport très
répandu du pitonnage ou du zapping, nous
avons rarement l'occasion d'apercevoir ce qui se cache derrière
le tube cathodique surtout quand notre coup de pouce a porté
son choix - pas toujours très populaire pour une majorité
de téléspectateurs - sur une chaîne de
télévision publique comme la Société
Radio-Canada ou la CBC (Canadian Broadcasting Corporation).
Des chercheurs du Centre d'études sur les médias
du Département d'information et de communication de l'Université
Laval, dirigés par Daniel Giroux et Florian Sauvageau,
ont pourtant pris le temps, eux, de s'arrêter et de se livrer
à un très révélateur jeu des comparaisons
dont les résultats ont été dévoilés
dans le Cahier-médias numéro 13, en décembre
2001, sous le titre: "Portrait de la télévision
publique dans dix pays, dont le Canada".
CBC et SRC
Une fois inséré parmi ceux d'Allemagne, d'Australie,
de Belgique, de France, d'Italie, de Nouvelle-Zélande,
du Portugal, du Royaume-Uni et de Suède, comment se comporte
le téléviseur branché sur notre société
d'État bilingue? "La chaîne anglaise et la chaîne
française de Radio-Canada font toutes deux bonne figure
en regard du caractère national de leur programmation,
notent d'abord les auteurs Giroux et Sauvageau. Parmi les pays
pour lesquels nous avons des données comparables concernant
le contenu national, la CBC (80 %) et la SRC (81 %) obtiennent
les meilleurs résultats avec la première chaîne
de la BBC (84 %)."
Les genres télévisuels laissent apparaître,
de leur côté, des images fort variables d'un syntoniseur
à l'autre. Ainsi, la part des émissions d'information
et d'affaires publiques se situe à 26 % à la CBC
et à 28 % à la SRC (au milieu du peloton), tandis
qu'elle grimpe à 41 % à la ZDF d'Allemagne, 42 %
à la RTBF de Belgique et à 43 % à TV One
de Nouvelle-Zélande. La majorité des diffuseurs
observés consacrent, par ailleurs, de 25 % à 30
% (31 % à la SRC et 32 % à la CBC) de leur temps
de diffusion aux émissionS de fiction. Signalons, d'autre
part, que la chaîne française de Radio-Canada domine
les autres chaînes publiques en matière de divertissement,
celui-ci accaparant 29 % de sa grille horaire, devant TV2 de Nouvelle-Zélande
(27 %), France 2 et la RTP du Portugal (20 %). D'un autre côté,
ce sont les sportifs de salon néo-zélandais qui
sont les plus comblés, car TV One leur propose une programmation
comprenant 24 % d'émissions de sports. Un genre qui, au
Canada, fait les belles heures de certains anglophones (12 % à
la CBC) et, dans une moindre mesure, celles de groupuscules francophones
(5 % à la SRC).
Le nerf de la guerre des ondes
Les chercheurs du Centre d'études sur les médias
se sont également intéressés à d'autres
indices, comme la production, l'écoute, le financement
et la présence dans l'univers des chaînes thématiques.
"La CBC confie de plus en plus d'émissions à
des producteurs externes, font remarquer Daniel Giroux et Florian
Sauvageau. Leur part atteint quelque 60 % en 1998-1999 (93 % en
ce qui concerne les émissions dramatiques). À la
SRC, la donnée pour l'année 1998-1999 est identique
(44 %) à celle de l'année précédente."
Si, dans la plupart des pays européens, les diffuseurs
publics réussissent à attirer environ 40 % de l'écoute
en 1998, la CBC obtient ici les plus faibles parts de marché,
soit 9 % pour l'ensemble de la journée et 11 % aux heures
de grande écoute, de septembre 1998 à août
1999. La situation au réseau français est sensiblement
meilleure durant cette période, l'écoute de la SRC
atteint 18 % pour l'ensemble de la journée et 23 % en soirée.
La présence d'un plus grand nombre de diffuseurs privés
nationaux au Canada expliquerait la tiède performance du
réseau anglais de Radio-Canada, note-t-on.
La part des revenus de la Société Radio-Canada provenant
des coffres de l'État s'est maintenue autour de 65 % entre
les années 1998 et 2001, indiquent les auteurs. Lorsque
l'on a recours à un indicateur per capita, le soutien
que le gouvernement fédéral apporte à Radio-Canada
place ainsi le Canada au septième rang des dix pays qui
ont fait l'objet de l'étude. La contribution de l'État
"par tête d'habitant" en 1997 (en dollars canadiens)
se chiffre de la sorte à 95 $ en Allemagne, 81 $ au Royaume-Uni,
58 $ en Suède, 45 $ en Belgique, 33 $ en Italie, 29 $ en
Australie, 26 $ au Canada, 18 $ en France, 7 $ au Portugal et
0 $ en Nouvelle-Zélande. Dans des pays comme le Canada,
l'Allemagne, l'Australie, la Belgique (VRT) et le Royaume-Uni,
les crédits parlementaire et la redevance servent aussi
à financer les activités des "radiodiffuseurs"
publics.
|