21 février 2002 |
Spécialisé dans l'étude de l'architecture
québécoise contemporaine, Claude Bergeron, professeur
retraité de l'Université Laval, s'est aussi intéressé
dans ses travaux aux églises de la province (période
1940-1985). La considération de ces deux champs le destinait
peut-être à fouiller le cas de Roger D'Astous, architecte
marquant du Québec moderne décédé
en 1998, qui s'est illustré dans la conception autant de
résidences que d'édifices sacrés, sans oublier
quelques projets plus connus comme le Château Champlain
et le Village olympique.
Sans s'attarder trop longtemps à la biographie chronologique,
l'auteur de Roger D'Astous, architecte (Presses de l'Université
Laval) opte pour une synthèse des différentes orientations
de l'oeuvre, avec à l'appui nombre de photographies et
de plans. Séparant donc l'habitation individuelle, le bâtiment
religieux et les autres réalisations à grande échelle,
Bergeron éclaire de façon typologique la carrière
d'un individu original et souvent à l'avant-garde par rapport
à ses pairs.
La renommée de D'Astous s'ancre d'abord dans ses études,
dès 1952, auprès du grand architecte américain
Frank Lloyd Wright, dont il fut le premier élève
québécois. À l'opposé des grands courants
urbains du XXe siècle, Wright demeure passionné
pour la couleur et pour des matériaux chaleureux tels les
différents bois. Son credo est l'intégration naturelle
des maisons et des édifices à leur environnement,
grâce à une composition harmonieuse s'inscrivant
dans le lieu comme si celui-ci était une de ses propres
parties. À partir de l'influence du maître de "
l'architecture organique ", Roger D'Astous en viendra à
intégrer à ses réalisations des oeuvres d'artistes
visuels (notamment Marcelle Ferron, Claude Vermette et Jean-Paul
Mousseau) en se démarquant du tournant radicalement moderniste
de l'architecture québécoise d'après la Seconde
Guerre mondiale.
Dans son ouvrage, Claude Bergeron n'hésite pas à
souligner le contraste entre les réussites et les échecs
de l'architecte, tout en remettant ces derniers en contexte. Par
exemple, le gouffre financier et l'enquête judiciaire qui
suivirent la réalisation du Village olympique ne furent
pas sans effet sur D'Astous, bien qu'il n'eut rien à se
reprocher dans cette affaire. De la même façon qu'après
le projet du Château Champlain, la production de l'architecte
se mettra alors à chuter. " [I]l paraît exact
d'affirmer, nous dit Bergeron, que le destin de Roger D'Astous
est cruel. Tout au moins, l'architecte n'a jamais pu maintenir
l'élan prodigieux avec lequel il avait entrepris sa carrière.
" (p. 25)
Après 1976, D'Astous devait revenir vers sa passion première:
l'habitation privée. En 1984, il se distingue par la conception
d'une maison solaire, puis d'autres projets domiciliaires qui
contribueront à lui faire décerner plusieurs prix
et à siéger sur d'importants jurys. Au total, si
les influences de Wright et de l'architecture japonaise ont sensibilisé
D'Astous à la continuité entre le milieu, les matériaux
et la forme, on peut dire que cela n'a pas empêché
le développement de son propre style domiciliaire, en symbiose
étroite avec les données du territoire québécois
où se situe l'essentiel de ses réalisations.
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