14 février 2002 |
La crise financière qui secoue présentement l'Argentine
a comme toile de fond un monde où triomphe le libre marché,
où s'accroît l'écart entre pays riches et
pays pauvres, et qui comptera 1,5 milliard d'individus de plus
d'ici quinze ans. Selon le ministre des Finances du Canada, Paul
Martin, la solution aux malheurs des uns et des autres réside
dans la mise en place, de concert avec les grandes institutions
financières internationales, d'une structure de gouvernance
internationale souple, semblable à ce que permet un système
fédéral.
Le lundi 11 février, au pavillon Charles-De Koninck, Paul
Martin s'est improvisé professeur d'un jour devant des
étudiants et étudiantes de science politique dans
le cadre d'un cours sur le fédéralisme canadien.
Selon lui, le monde est actuellement au stade où étaient
les États-Unis en 1908. Cette année-là, une
crise boursière avait eu comme conséquences la création
de commissions de valeurs mobilières, la réglementation
des grandes banques et la mise en place d'une structure pour gérer
l'économie. "Comme en 1908 mais à l'échelle
mondiale, explique-t-il, le libre marché est triomphant
et les règles du jeu, l'infrastructure, n'existent pas
pour que ça marche, cette fois au niveau international."
Un chef de file
Selon Paul Martin, le Canada peut jouer un rôle de premier
plan, voire être le chef de file dans la façon dont
le monde doit désormais évoluer. "Au Canada,
précise-t-il, nous nous critiquons beaucoup, il y a toujours
des accrochages, des disputes de juridictions entre gouvernements.
Mais lorsqu'on compare la fédération canadienne
aux autres fédérations comme l'Allemagne ou les
États-Unis, nous avons fait d'énormes pas en avant."
Il ajoute que le Canada est probablement le pays le mieux placé
du G-7 pour promouvoir la réforme de l'architecture financière
internationale. "Les Européens veulent construire
l'Europe, dit-il. Le monde ne les intéresse pas et ça
se voit lors de nos rencontres. Les Japonais n'ont pas d'État
fédéral et ils ont en plus d'énormes problèmes
financiers. Quant aux Américains, je ne suis pas sûr
qu'ils veulent mettre en place ces règles du jeu parce
qu'ils n'en ont pas besoin comme pays dominant."
Depuis son entrée en fonction en 1993, Paul Martin a vu
plusieurs crises financières se succéder: Mexique,
Asie, Russie, Brésil. La crise argentine, pour sa part,
survient au beau milieu d'une récession mondiale. En 1999,
le G-20, une nouvelle tribune internationale réunissant
ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales, voyait
le jour. "Ces pays, indique-t-il, essaient d'établir
les règles économiques et sociales pour aider à
franchir la prochaine étape de la gouvernance internationale.
La création du G-20 est probablement le signe le plus positif
de la façon dont le monde va se gouverner."
Non à la monnaie commune
Durant la période de questions, Paul Martin s'est dit
opposé à l'adoption par le Canada du dollar américain
comme monnaie commune avec nos voisins du Sud. "Les Mexicains,
rappelle-t-il, ont approché les Américains à
ce sujet et ceux-ci ont été très clairs.
Très bien, ont-ils répondu, faites-le, mais vous
n'aurez plus aucun mot à dire sur la politique monétaire."
Il a ensuite cité le cas de la République d'Irlande,
un membre de la zone euro. "Ce pays va très bien,
alors il a de l'inflation, explique-t-il. La meilleure façon
de contrôler l'inflation est de hausser les taux d'intérêt.
Mais la Commission européenne a plutôt demandé
à l'Irlande de hausser ses taxes. Or, la raison pour laquelle
l'économie irlandaise va si bien découle d'une baisse
des taxes. Je pense que ça n'aurait aucun bon sens pour
nous d'avoir une monnaie commune avec les États-Unis. Le
problème des pays de la zone euro est qu'ils n'ont aucune
influence sur la politique monétaire. En comparaison, le
Québec a une grande influence sur la politique monétaire
de la Banque du Canada."
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