31 janvier 2002 |
Faire son épicerie relève presque, désormais,
du casse-tête, si on se fie aux propos des participants
à une table ronde, organisée le 22 janvier par les
étudiants de la Faculté des sciences de l'agriculture
et de l'alimentation, dans le cadre du Symposium agroalimentaire
de la Semaine de l'agriculture, de l'alimentation et de la consommation.
Pour se frayer efficacement un chemin dans la jungle des étiquettes,
le consommateur doit en effet mettre en application des connaissances
scientifiques souvent minimales et aiguiser son sens critique.
Invités à débattre du nombre suffisant d'informations
dont dispose ou non le consommateur pour ses achats alimentaires,
Lyne Gagné, d'Aliments-Québec, Luc Cyr, de l'Ordre
des agronomes du Québec, Daniel Germain, de l'Office de
la protection du consommateur et Isabelle Galibois, professeure
au Département des sciences des aliments et de nutrition,
ont fait preuve de nuances et de circonspection.
Comme le rappelle Isabelle Galibois, les femmes assument, dans
85 % des cas, les achats à l'épicerie et se voient
bombardées d'informations bien souvent contradictoires.
Entre l'évolution constante de la recherche et les efforts
consentis par les groupes de pression de l'industrie agroalimentaire
pour faire vendre leurs produits, les acheteurs ne savent plus
vers qui se tourner pour obtenir une information fiable. D'où
la nécessité pour l'État de s'impliquer davantage
dans ce domaine, selon Daniel Germain, de l'Office de protection
du consommateur, afin d'aider le consommateur à évaluer
le potentiel de risque que représente l'achat de tel ou
tel produit. D'autant plus, explique-t-il, que les élus
ont des comptes à rendre aux citoyens, contrairement aux
dirigeants des multinationales agroalimentaires, en prenant en
exemple la crise de l'eau à Walkerton, qui aurait provoqué,
selon lui, le départ du premier ministre ontarien Mike
Harris.
Le silence observé par l'industrie agroalimentaire sur certains sujets sensibles constituerait une arme retournée contre elle-même
Mesures timides et cosmétiques
"Il faut éviter de tomber dans le piège
des appellations cosmétiques, affirme Daniel Germain. Selon
moi, l'étiquetage volontaire pour indiquer la présence
d'OGM est une fumisterie." Ce défenseur du droit des
consommateurs s'insurge en fait contre les mesures appliquées
dans quelques mois par le gouvernement canadien pour répondre
aux inquiétudes par rapport aux OGM, des mesures qui n'ont
rien d'obligatoire pour l'ensemble de l'industrie agroalimentaire.
À l'entendre, on ne peut être certain qu'un aliment
ne contient pas d'organismes génétiquement modifiés
puisque personne ne veut défrayer les coûts de la
traçabilité du produit. Autrement dit, comment s'assurer
que des cuves ayant servi à fabriquer des flocons de maïs
sans OGM n'ont pas accueilli la veille des céréales
génétiquement modifiées?
La timidité des mesures canadiennes face à l'arrivée
des OGM s'explique en grande partie, selon Isabelle Galibois,
par le manque d'organisation des consommateurs canadiens. "En
Europe, soutient-elle, l'opinion publique, inquiète devant
l'arrivée de cette nouvelle technologie, s'est mobilisée
pour obtenir un étiquetage obligatoire des produits contenant
des OGM."
En fait, comme l'ont remarqué plusieurs participants, le
silence observé par l'industrie agroalimentaire sur certains
sujets sensibles constitue souvent une arme dévastatrice
retournée contre eux-mêmes. Selon Claire Bolduc,
présidente de l'Ordre des agronomes du Québec,
le consommateur risque en effet de jeter le bébé
avec l'eau du bain à propos des aliments modifiés
génétiquement, en mettant dans le même sac
la technologie qui peut rendre des services essentiels et les
produits eux mêmes. Selon elle, les futurs agronomes ont
donc un rôle essentiel à jouer dans ce débat
puisqu'ils peuvent aider les acheteurs à effectuer leurs
choix en toute connaissance de cause en transmettant le message
de façon complète. Pour Luc Cyr, qui appartient
au même organisme, les agronomes doivent avant tout répondre
aux questions des consommateurs plutôt que de les noyer
sous des monceaux d'informations qui ne feraient que les embrouiller
davantage. Un étudiant participant au débat a d'ailleurs
appris à ses dépens que toute information n'est
pas bonne à dire. En se réunissant avec des consommateurs,
il a constaté que ces derniers ne voulaient absolument
pas connaître les procédés de conservation
du lait de longue durée. Leur attitude aurait certainement
changé si on avait annoncé un risque pour la santé
dans ce domaine
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